Avant-printemps
Malgré le soleil clair tout à coup revenu
sur le bord du chemin la neige ancienne et sale reste dure
Les nuits sont froides et les matins couverts
La vapeur d’eau avec douceur brouille le paysage
puis s’éclaircit lentement à l’approche de midi
Un rien de poudre d’or se mélange à la brume
une pincée de jour clair fond doucement dans le gris
Sur les arbres heureux baignés d’humidité
les bourgeons amassent leur sève prêts à éclater
Hier dans le soleil vainqueur à midi
un merle est venu reconnaître le terrain
et une mésange charbonnière a exploré le jardin
cherchant le creux d’un pommier ou un recoin de mur
avec le projet d’y installer son nid
Si je regarde avec soin dans l’herbe encore jaune
le sol est piqueté de petites fleurs encore en boutons
toute la famille des renoncules couleur de paille claire
la ficaire eranthe et la chélidoine Grande Éclaire
les pétales bien pliés et serrés dans leur sac
attendant comme les bourgeons le signal de départ
pour débourrer et exploser feuillages et fleurs
Et chaque future feuille chaque promesse de fleur
chaque oiseau survivant de l’hiver
chaque brin d’herbe encore hésitant à verdir
dans le silence au bord d’un printemps qui retient son souffle
dit à voix infime et nette Je suis moi Moi l’unique
comme il n’en fut pas depuis le début du monde
comme il n’en sera plus jusqu’à la fin des temps
Claude Roy
A la lisière du temps
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