Ces scientifiques annoncent un progrès critique dans la prévention des infections à C. difficile, avec le développement de ce candidat anti-germinatif qui pourrait prévenir l’infection chez les patients les plus sensibles. Documenté lors du Congrès Discover BMB, de l’American Society for Biochemistry and Molecular Biology (ASBMB), le medicament se révèle un bon inhibiteur de germination des spores de plusieurs souches de la bactérie, y compris celles responsables de formes sévères, et bien plus puissant que les sels biliaires.
L’infection à C. difficile (500.000 cas aux Etats-Unis, 20.000 décès) provoque une diarrhée qui peut être mortelle. Cette infection nosocomiale est généralement un effet secondaire de la prise d’antibiotiques. 2 médicaments majeurs sont approuvés pour traiter cette infection, et ces 2 traitements sont « justement » des antibiotiques. Une autre option est la transplantation de microbiote fécal, mais elle reste encore mal acceptée par les patients et encore peu pratiquée.
« C. difficile est un lourd fardeau pour les systèmes de santé », précise l’un des auteurs principaux, Jacqueline Phan, doctorante en chimie à l’Université du Nevada (Las Vegas) : « nous travaillons au développement d’un médicament préventif qui pourra être utilisé pour traiter les personnes sensibles avant le début de l’infection, au lieu de traiter les patients uniquement une fois l’infection bien installée ».
Bloquer la germination des spores de C. difficile
Dans un intestin normal, le microbiote naturel régule la teneur en sels biliaires, ce qui signifie que les spores qui pénètrent dans l’intestin ne peuvent pas germer en raison de la faible teneur en sels biliaires et sortent donc de l’intestin toujours sous forme de spores. Cependant, chez les personnes traitées aux antibiotiques, le microbiome intestinal est perturbé, avec une plus grande quantité de sels biliaires ce qui favorise la germination des spores de C. difficile dans des cellules végétatives productrices de toxines. L’objectif serait donc de renforcer, chez ces patients, la capacité « anti-germinative » du microbiote.
C. Difficile a un atout spécifique : d’autant que l’une des raisons pour lesquelles C. difficile réussit si bien à infecter son hôte relève de sa capacité à former ces spores dormantes qui peuvent survivre sur les surfaces ou dans le tractus gastro-intestinal. Ce n’est que lorsque les spores atteignent la lumière intestinale riche en nutriments qu’elles germent, se transformant alors en cellules capables de provoquer une infection symptomatique.
L’étude menée sur la souris identifie des composés capables de bloquer la germination de ces spores de C. difficile. Pour trouver un moyen d’inhiber la germination des spores, les chercheurs ont profité du fait que les propriétés optiques d’une spore changent lorsqu’elle commence à germer. Cela leur a permis de tester des centaines de composés différents en mesurant la densité optique des spores après incubation avec l’un des composés. Les composés qui inhibaient la germination des spores à de très faibles concentrations ont ensuite été évalués plus en détail sur la souris modèle d’infection à C. difficile. Ces travaux désignent ainsi un composé prometteur (CaPA) pour le développement de nouveaux candidats-médicaments permettant de prévenir les infections graves à C. difficile chez les patients plus vulnérables.
- certains des nouveaux composés développés offrent une protection de plusieurs jours chez les souris à partir d’une seule dose ;
- ces composés semblent se déplacer selon une boucle entre le foie et l’intestin, ce qui suggère que le foie permet une libération lente de ces composés dans l’intestin.
Bien que le composé CaPA ait bien fonctionné, il n’était pas assez stable pour survivre dans l’intestin assez longtemps pour être utilisé à ces fins de prévention. Les chercheurs ont donc développé une nouvelle génération de composés similaires au CaPA mais plus stables.
Vers d’autres applications ? L’anthrax est un autre type de bactérie sporulée bien connu. De nombreuses bactéries déclenchent ce processus de germination qui les ramène à un organisme vivant normal. Cibler ce processus de germination apparaît donc un moyen prometteur de prévenir les maladies infectieuses associées.
Enfin, alors que l’équipe note des différences dans la gravité de l’infection à C. difficile, en fonction du sexe du patient et de son régime alimentaire, elle poursuit la recherche sur cet effet de l’alimentation sur le risque et la gravité de l’infection, toujours dans un objectif d’optimiser la prévention.
Source: American Society for Biochemistry and Molecular Biology (ASBMB) March, 2023 Discover BMB 26 March, 2023 Scientists make critical progress toward preventing C. diff infections
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Équipe de rédaction SantélogMar 29, 2023Équipe de rédaction Santélog