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Flânerie

Publié le 08 mai 2023 par Alexcessif

Il était 5 heures et trois cafés, Paris s’éveillait et la chatte marchait sur le clavier. En langue de chatte cela signifiait "Bouge, gros !" Ses injonctions étaient sans appel, aussi je renonçai à écrire des phrases ponctuées par des « du coup » pour aller voir le Paris de Dutronc et Lanzmann
Au sortir de la rue Raymond Losserand bien sûr, le cimetière du Montparnasse était fermé !
Je commence souvent par là mes balades dans Paris mais plus tard.
Pourquoi ?
Parce que !
La rue de la Gaité fera l’affaire et la descente de la rue Delambre, ignorant la Coupole fermée, me dépose à l’angle du Boulevard Raspail et de la rue Bréa
Si j’étais un drone planant au dessus du square je verrais un triangle isocèle formé par la grâce de la confluence de la rue Vavin, j’imaginerais une pyramide et la bande blanche médiane serait son paratonnerre. La rue déserte autorise la déambulation au centre d’icelle. Je laisse le Lucernaire à gauche et profite de la perspective sur les jardins du Luxembourg, fermés aussi
Ma promenade amputée de tombes et de jardins, j’optai pour la rue Guynemer plutôt que la rue d’Assas. Je léchai un peu la vitrine de l’agence immobilière comme si j’étais l’impétrant à l’achat d’un appart à 20 boules le M2 et me dirigeai vers la rue Férou négligeant la sonnette des Okrent/Kouchner
Pourquoi ?
Parce que je sais que vogue un bateau ivre sur le mur taggué par Rimbaud
Que nous dit le pouêt et que sait de nous la poésie ?
"Comme je descendais des Fleuves impassibles," (sans le S accordant le pluriel aux fleuves l’auteur exprimerait ses états d’âme, il a choisi l’anthropomorphisme : ce sont les fleuves qui s’en cognent, pas lui)
 
"Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :" (on sent le gars qui a du personnel à disposition dont il fait peu de cas ainsi que le suggère la suite)

"Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais."(Indifférent au sort d’autrui, dénués de scrupules semblent être le seul moyen de poursuivre sa route)
"Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !"(17 ans suicidaire, pessimiste, le talent n’incite pas à la rigolade chez le poète)
"Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons."( Le tragique aura toujours un coup d’avance sur la rigolade. Molière aurait voulu la carrière de Racine)
L’Odéon, attraviersamo le boulevard Saint Germain entre la statue de Danton et Germaine, où le café debout au zinc est à 1 € avant 11 h puis je choisis les pavés Napoléon de la cour du commerce Saint André plutôt que le bitume de la rue de l’ancienne comédie malgré le dôme de l’académie que j’apercevais au loin.
Le Procope voisinera dés l’été 2023 avec une chaine de restauration rapide en ces temps de sacrilège et de trottinettes électriques, je gicle dégouté et impuissant par les rues André Mazet et Dauphine pour franchir la Seine par le Pont Neuf, fréquentant brièvement la rive droite avec la complicité du quai des Orfèvres, jusqu’à la passerelle des arts et retrouver la rive gauche 
Bref ! 

Le cimetière du Montparnasse est ouvert
Je m’engouffre Boulevard des allongés par celui d’Edgard Quinet
Pourquoi ?


Parce que ...

Beckett (il ne faut pas attendre. Ni Godot, ni personne ! Attendre, espérer, c’est une perte de temps. On ignore si Godot existe, à quoi, ou à qui, il ressemble, s’il est déjà passé sans qu’on ne le voie et, s’il est déjà passé, l’aurions nous reconnaissoit ? Dans certaines vies, il ne passe jamais ! Il faut vivre, tendre, sans attendre)


Parce que ...

Philippe Léotard et déclamer quelques mots de ce que la poésie sait de nous:

"Une femme, la dernière, celle pour qui on sera, au p’tit matin suant et blême, la pute de soi-même" 

Qu’avons-nous concédé pour survivre ? Le dos au mur, le pistolet sur la tempe quand il fallut choisir, céder le désir du cœur pour le besoin de l’estomac? Les mots servent à cela : faire passer nos vices pour des vertus


Parce que ...

 Agnès Varda/Jacques Demi, séparés, rue Daguerre par la traversée de la chaussée, leur carrière, les succès, le respect des individualités et des talents non genrés, la vie, ici réunis pour l’éternité


Parce que ...

Alex Métayer. Quand je passe, j’y dis "Alex, fais moi rire !" 

Ensuite, les évènements, qui seraient advenus de toutes façons, marqués du sceau de cette injonction, prennent un aspect magique, y compris quand ce souhait du matin s’est exprimé dans toute son ironie le soir même de mon infarctus à moi que j’ai chopé: "fais moi, mourir de, rire Alex !"


Parce que ...

Charlotte Dur, décédée 15 jours après sa naissance, en savait assez long sur l’existence pour me conseiller sur la mienne. Agnostique, athée, mécréant au dernier degré, je murmurai une prière, quelques mots de Baudelaire, exposé plein sud à quelques pas de là, et livrai ma requête: "Permets - moi, Charlotte, de jouir de l’œuvre de Dieu sans payer la part du diable" pour que glissent crème mes forfaitures du jour et suivantes
Allez bizoux ! 

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