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ANTIBIORÉSISTANCE : Faut-il casser les pattes aux bactéries ?

Publié le 13 mai 2023 par Santelog @santelog
Les bactéries intestinales utilisent des super-polymères pour former des « pattes » ou appendices extracellulaires appelés aussi F-pili pour se connecter les unes aux autres et se transférer des gènes de résistance (Visuel Adobe Stock 330354678)Les bactéries intestinales utilisent des super-polymères pour former des « pattes » ou appendices extracellulaires appelés aussi F-pili pour se connecter les unes aux autres et se transférer des gènes de résistance (Visuel Adobe Stock 330354678)

Alors que les bactéries intestinales utilisent des super-polymères pour former des « pattes » ou appendices extracellulaires appelés aussi F-pili pour se connecter les unes aux autres et se transférer des gènes de résistance, à première vue, il pourrait être opportun de casser ces pili F dans les bactéries pathogènes. Cependant, en allant un peu plus loin, cette équipe de scientifiques de l’Imperial College London envisage, dans la revue Nature Communications, d’utiliser plutôt ces structures de superpolymères développées par ces pathogènes, pour l'administration précise de médicaments.

L’auteur principal, Jonasz Patkowski, du Département des sciences de la vie de l'Impérial rappelle que « le nombre de décès dus à la résistance aux antimicrobiens (RAM) pourrait atteindre l’ampleur de la mortalité liée au cancer d'ici 2050, ce qui illustre le besoin urgent de nouvelles stratégies pour lutter contre l’antibiorésistance ». Alors qu’une grande partie de la propagation de la résistance est due à l'échange de gènes entre bactéries, une meilleure compréhension de ce processus peut conduire à de nouvelles façons de l'interrompre.

La recherche permet ainsi non seulement la découverte de ce mécanisme bactérien d’antibiorésistance mais fournit une voie possible pour s'attaquer au problème même. Alors qu’on pensait plutôt que l’environnement intestinal imposait des conditions difficiles à la survie de ces F-pili donc les turbulences, la chaleur et l’acidité, rendant le transfert de gènes entre bactéries plus difficile, la recherche révèle en effet que les pili F sont en fait plus forts dans ces conditions, ces conditions favorisant aussi la formation de biofilms bactériens.

Différentes classes de bactéries, différents types de pili

Les bactéries utilisent en effet différents types de pili pour ce transfert de gènes de résistance.

L'étude : l'équipe a regardé d’abord ce qui se passait dans des conditions de turbulence : en secouant les bactéries E. coli alors qu’elles mobilisent leurs pili-F durant ce processus, les chercheurs observent que l'agitation augmente encore l'efficacité du transfert de gènes entre les bactéries. Une fois effectué le transfert de gènes, les bactéries s'agglutinent plus facilement pour former des biofilms, qui les protègent des antibiotiques. Lorsqu’à l’aide « d’une pince à épiler moléculaire », les scientifiques exercent une tension à l'extrémité d’un F-pili, celui-ci se révèle très élastique, avec des propriétés qui l’empêchent de se briser. Enfin, le F-pili apparaît capable de résister à d'autres affections intestinales courantes et à des températures excessivement élevées jusqu’à 100 ° C.

Des propriétés moléculaires remarquables : l’équipe examine ensuite les F-pili au niveau moléculaire pour voir ce qui leur confère ces incroyables propriétés et observent que les F-pili sont principalement constitués de « sous-unités » de piline F avec des molécules de phospholipides liées entre elles. En modélisant le pili F sans les phospholipides, l'équipe découvre l'importance de ces molécules pour l'élasticité et la force élastique de la structure. La même expérience de traction révèle que les sous-unités se désassemblent rapidement sans les phospholipides qui les soutiennent.

Enfin, ces expériences montrent que la fabrication de F-pili requiert beaucoup d’énergie de la part des bactéries. Mais cela s’explique certainement par leur rôle essentiel dans la survie des bactéries, expliquent les chercheurs : les F-pili accélèrent la propagation de la résistance aux antibiotiques et la formation de biofilms dans des environnements turbulents.

Lutter contre l’antibiorésistance reste l’objectif ultime et cibler ce processus ou les pili eux-mêmes apparaît une bonne opportunité. Cependant, s’il semble à première vue efficace de casser les pattes aux bactéries pathogènes, leurs propriétés pourraient être utiles pour l'administration de médicaments. « Il est difficile de trouver un appendice tubulaire avec des propriétés aussi utiles. Les bactéries l'utilisent pour transférer des gènes, mais si nous pouvions imiter ces propriétés, nous pourrions alors administrer précisément des médicaments là où ils sont nécessaires dans le corps ».

Source: Nature Communications 5 April, 2023 DOI : 10.1038/s41467-023-37600-y The F-pilus biomechanical adaptability accelerates conjugative dissemination of antimicrobial resistance and biofilm formation

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Équipe de rédaction SantélogMai 13, 2023Rédaction Santé log

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