À la demande de la Commission Européenne et en préparation d'une éventuelle future évolution réglementaire (en 2024 ?), les organismes de supervision du secteur financier ont rédigé un rapport d'analyse sur le « greenwashing » dans leurs domaines respectifs : la banque pour le l'EBA, les marchés pour l'ESMA et l'assurance pour l'EIOPA.
Partant d'une définition générique – les pratiques, trompeuses pour les clients, investisseurs et autres parties prenantes, consistant à partager des déclarations, des communications, des actions en matière de développement durable qui ne reflètent pas la réalité sous-jacente d'une entité, d'un produit ou d'un service –, l'exercice mené au cours de l'année écoulée avait pour objectif de déterminer comment l'éco-blanchiment (en version française) se matérialise, s'il est largement répandu et quelles sont ses causes.
Sans vouloir aller jusqu'à qualifier les rapports de superficiels (après tout, l'ensemble représente plus de 200 pages d'explications), ils décortiquent, certes en détail, des observations et des faits connus et, dans l'ensemble, relativement triviaux. Peut-être constituent-ils une première étape indispensable avant d'approfondir le volet des moyens de contrôle et de répression envisageables mais, comme toujours avec les autorités de régulation, la perspective d'une action concrète semble encore très lointaine…
Dans le cas de la banque, par exemple, les constats dressés ne surprendront personne, à commencer par l'augmentation significative des dérapages présumés directement concomitante à l'attention croissante du public sur les thématiques environnementales, qui exerce une pression de plus en plus sensible sur les établissements. Naturellement, les firmes d'investissement semblent les plus exposées aujourd'hui, avec un niveau de risque matérialisé moyen à élevé, mais tous les métiers seront concernés à court terme.
Ce sont évidemment les promesses pour l'avenir (jusqu'à la neutralité carbone purement fictive) qui sont le plus sujettes à caution, mais les stratégies « RSE » et les certifications et autres labels ne sont pas en reste. Pourtant, les entreprises sont conscientes du danger des exagérations, d'abord pour leur réputation puis dans un registre opérationnel, notamment à travers la perspective d'actions judiciaires (à l'image de celle lancée au début de l'année par plusieurs associations à l'encontre de BNP Paribas).
Au chapitre des excuses un peu faciles, les rédacteurs du dossier – dont les principaux mis en cause font partie – ne manquent pas de souligner que le « greenwashing » n'est pas systématiquement prémédité et que, en particulier, l'absence de données et de méthodologies de référence indiscutables ainsi que de recommandations réglementaires claires et éprouvées nuit à une lutte efficace contre le phénomène.
Cependant, comme il est rappelé dans un autre chapitre du document (et comme le démontre également cette plainte déposée par un citoyen américain contre Nike), les textes existants qui, entre autres, régissent les représentations fausses ou susceptibles d'induire en erreur (les consommateurs, les investisseurs…), fournissent dès maintenant des armes contre les abus les plus manifestes. Heureusement, car la Commission Européenne paraît déterminée à prendre son temps pour passer à l'action…