Beau is Afraid // De Ari Aster. Avec Joaquin Phoenix, Nathan Lane et Amy Ryan.
Le cinéma d'Ari Aster est toujours clivant. Si Hérédité avait plutôt réussi à rassembler les avis, Midsommar avait particulièrement divisé. Cet objet fascinant m'avait donné envie de voir plus du réalisateur et la sortie de Beau is Afraid était l'occasion rêvée de plonger à nouveau dans son imagerie. Beau is Afraid est l'adaptation en long métrage du court-métrage Beau que Ari Aster avait réalisé en 2011. Avec presque trois heures de film il peut extrapoler son récit et délivrer quelque chose de fascinant et dérangeant à la fois. J'aime beaucoup la façon dont Ari Aster tord le monde de l'horreur afin de créer sa propre patte, son propre univers, loin des carcans habituels. Avec ce nouveau film il créé toute une métaphore sur l'emprise d'une mère sur son enfant à coup d'images chocs : l'incapacité du héros à s'émanciper (le piège de son appartement) et la peur du monde extérieur hostile (qui a été créé de toute pièce dans son esprit par l'emprise de sa propre mère), l'incapacité du héros à sortir de son rôle d'enfant (lorsqu'il est " adopté " par une famille) mais cette envie frénétique, au fond de lui, de montrer qu'il est aujourd'hui un adulte.
Beau tente désespérément de rejoindre sa mère. Mais l'univers semble se liguer contre lui...
Car si Beau a peur à cause de l'emprise de sa mère sur lui et ses relations extérieures, Beau is Afraid est un récit initiatique. Derrière l'imagerie folle qu'il propose, Ari Aster propose de développer son personnage à travers ses rencontres (notamment le premier joint fumé qui reste presque une sorte d'étape dans la vie d'un ado) mais aussi de montrer la part sombre qui se cache en lui (personnifiée ici par son autre lui qui ose tout dans le passé et par Denis Ménochet dans le présent - encore dans un rôle similaire à ce qu'il a déjà proposé -). Beau is Afraid est généreux mais bordélique par la même occasion. Si j'ai été fasciné du début à la fin par ce que le film propose, le fait qu'il soit aussi fourni peut parfois le rendre moins digeste (ou simple). Derrière les incarnations symboliques et divines (notamment tout le spectacle théâtral qui s'insère au milieu comme un moment de douceur et d'horreur) qu'il propose, le film veut nous surprendre. Constamment, l'expérience est viscérale et étonnante. On ne peut rester indifférent face à un tel film et c'est justement ce qui peut diviser.
Ari Aster utilise clairement l'angle de la comédie dans son récit d'horreur afin d'apporter une vision différente. Si le genre a tendance à se reposer sur ses lauriers ailleurs, il avait déjà initié avec Hérédité et Midsommar une autre vision de la narration horrifique à coup de métaphores et d'images chocs. Beau is Afraid est un film étonnant qui n'est pas parfait (et qui à mes yeux reste moins bon que Midsommar) mais qui nous offre à ciel ouvert l'esprit d'un personnage torturé par sa propre mère. Car c'est clairement ce dont il est question alors que la fin du film démontre qu'il se résigne finalement à rester dans l'utérus de sa mère plutôt que de vivre pleinement sa vie. Tout cela car l'emprise que sa mère a sur lui est beaucoup trop forte pour qu'il puisse s'en sortir. Joaquin Phoenix est quant à lui brillant sous les traits de Beau. Il se donne corps et âme (un peu comme souvent avec ses différents rôles au cinéma) ce qui peut parfois déstabiliser le spectateur en le questionnant sur la limite entre la réalité et la fiction.
Note : 8.5/10. En bref, une expérience hors norme sur l'emprise qu'une mère a sur son enfant.
Sorti le 26 avril 2023 au cinéma