Pour tout l’art du monde !

Dans ce livre intelligent mais accessible, Saphia Wesphael nous expose avec des exemples vivants le rôle de l’art dans notre société. Le titre déjà est superbe : Pour tout l’art du monde ! La philosophe et chroniqueuse rencontre pour nous sept artistes. Elle le fait en femme contemporaine surtout. L’intérêt est qu’il ne s’agit pas – comme c’est souvent le cas – de questions/réponses, mais d’un récit, où la pensée de l’auteure intervient, souligne, explicite, s’interroge. Cette touche personnelle est pour beaucoup dans la beauté du livre.

Dans son introduction, Saphia Wesphael glisse déjà des phrases qui nous touchent (et j’utilise ce verbe car l’émotion est le mot le plus important de l’ouvrage) : « Notre esprit est en mosaïque, en lumière, en crépuscules et en vertiges » ou sur le but de son travail : « Je souhaite, de tout mon cœur, qu’en lisant ces dialogues et ces pensées, chaque lecteur soit éveillé à lui-même, à sa propre force, à son propre génie. »

Tout est parfait, du choix des sept artistes jusqu’aux titres choisis pour les présenter : « Embrasser la liberté avec Barbara Pravi » est le premier échange. Lorsque Saphia écrit qu’il arrive que, par la force d’une voix, par la vérité d’une interprétation, par la justesse de certains mots, on a l’impression d’être traversé par un élan d’absolue vérité, je ne peux qu’acquiescer. Grâce à ce livre, j’ai découvert cette jeune artiste fabuleuse ! J’ai écouté en voiture des dizaines de ses chansons et, par exemple, je garde, gravée dans ma mémoire profonde, le morceau « La Femme » qui me serre le cœur, l’âme et la raison : le texte bien sûr, mais aussi l’inventivité de l’orchestration, le thème si actuel. Lorsque Barbara parle des musiques de Brel, d’Aznavour, Saphia note : « Aujourd’hui elle parle de leurs musiques comme d’une caresse, comme d’une couverture fétiche et familière dans laquelle elle s’enroule quand elle a besoin de les retrouver et de se retrouver… » Magnifique !

Ensuite vient Abd al Malik : « L’un de ces êtres solaires dont la lumière n’éteint pas les autres, mais au contraire les éclaire ».

« Il y a quelque chose, dans le pli de certains regards, qui nous donne à voir un univers entier : celui de la sensibilité », dit-elle pour évoquer Guillaume Canet. « Pour lui » dit-elle plus loin « l’une des façons d’accepter l’idée de n’avoir qu’une vie, c’est d’en vivre plusieurs. »

Juliette Fiévet affirme : « Pour moi, c’est ça la vérité absolue : c’est que nous ne sommes que des âmes interconnectées ».

« Ce que Félix Radu nous rappelle, c’est que la création est sauvage et insaisissable. A l’image de l’humain, elle est en perpétuel mouvement. Et quiconque veut la figer, ou veut le figer, commence déjà à l’éteindre un peu ». Et aussi, comment ne serai-je pas touché moi-même par ceci : « Chaque être humain est un artisan qui fabrique des petits morceaux de bonheur pour les autres. »

Saphia dit qu’Anaïs Volpé veut transformer la dimension factuelle du réel en une narration dans laquelle tout le monde peut se retrouver, tout le monde peut réfléchir.

Pour Ibrahim Maalouf, certains êtres sont des « synapses », ils créent du lien entre les êtres humains. L’histoire de sa vie et de sa musique est déjà extraordinaire.

Enfin, Saphia Wesphael commence sa conclusion par cette évidence : « Chaque chapitre de ce livre a été écrit à l’encre de l’admiration et de la considération », mais elle souhaite aussi « Dans un monde où tout s’assombrit, puissions-nous continuer à nous émerveiller ».

Par ces quelques lignes, j’espère vous avoir donné des reflets de la richesse fantastique du nouveau livre de Saphia et vous avoir incité à vous ajouter au dialogue qu’elle a tissé avec ces artistes. Et puis écoutez « La Femme » de Barbara Pravi !

Pour tout l’art du monde (7 rencontres autour de la créativité), Saphia Wesphael, Ed Robert Laffont.