Tout d'abord, Spy/Master ne cherche pas à sortir des carcans habituels du genre mais grâce au ton, au lieu et aux personnages, elle parvient à délivrer un récit palpitant. Spy/Master joue comme un roman de John Le Carré, centrée sur les personnages tout en jouant sur ce qu'ils incarnent et ce qu'ils sont. Cela permet de recréer la paranoïa de la Guerre Froide. Les personnages sont là mais leurs implications et leurs rôles peuvent être totalement différent. C'est ce qui rend curieux et fonctionne durant six épisodes. En se concentrant sur les personnages, la série créée alors un vrai suspense. Tous les petits secrets tissent une toile assez palpitante et sort des sentiers battus. Il y a quelques moments d'action mais la vraie action prend place dans le jeu du chat et de la souris des personnages. On a des rencontres secrètes, des conversations codées et l'idée que chacun puisse être en danger. Spy/Master m'a tout de suite rappelé The Americans (sans être aussi palpitante pour autant).
Tout ce que Spy/Master nous raconte n'est pas nouveau et pourtant, avec ses décors et ses personnages, la série parvient à délivrer quelque chose d'assez original. Victor Godeanu, bras droit (imaginé) du Président roumain (et dictateur) qui se trouve aussi être une taupe pour le KGB, Spy/Master nous implique rapidement au sein de la paranoïa de l'épique. Ce qu'il y a de fascinant avec la Guerre Froide c'est tout ce jeu d'espionnage qui s'est joué dans le dos du commun des mortels. C'est fascinant et cela continue de fasciner. Les Etats-Unis et la Russie se volent chacun des secrets dans l'ombre, la tension monte dans le bloc est et en Roumanie, Ceausescu suspecte tout le monde (sauf Godeanu) de chercher à saborder sa présidence. Spy/Master installe brillamment son suspense autour de Godeanu et Jackson. Chacun des déplacements de ces deux personnages permet de créer une sorte de tension palpable et fascinante.
A chaque moment, un personnage pense tout contrôler mais finalement pas du tout. De tous les changements que Spy/Master opère autour de la place de chacun de ses personnages, elle parvient à créer une série palpitante et pleine de secrets et de twists. Bien que l'on s'attache à Godeanu, Spy/Master prend le soin de nous rappeler qu'il n'est pas non plus tout blanc (ou un héros à proprement parler). Les flashbacks viennent rappeler qu'il n'a pas toujours été très droit par ses actions aussi bien vis-à-vis de l'espionnage que sa place auprès du Président roumain. On sait qu'il a tué et qu'il a menti afin d'obtenir les informations qu'il voulait (et tout cela dans le but de sauver sa peau par la même occasion). Ce que je trouve dommage c'est que Spy/Master démarre sur les chapeaux de roues et a du mal à conclure le récit. Certains flashbacks sont plus intéressants que d'autres (et dans la seconde partie de la saison ils s'avèrent être moins palpitants ou importants). Les flashbacks ne servent pas toujours le présent ce qui peut finalement décevoir.
Là où Spy/Master ne fonctionne pas vraiment c'est autour de certaines intrigues secondaires peu palpitantes. Je pense notamment à celle d'Safiya, la femme de ménage égyptienne, et les activités criminelles de son mari Omar et son frère Jabare. En ajoutant cette strate au récit, Spy/Master égare un peu de sa superbe. On sent qu'elle veut raconter beaucoup de choses mais elle aurait pu se concentrer sur son arc principal et cela aurait été largement suffisant. L'histoire d'Omar et Jabare est piégée par le reste. Ce n'est jamais suffisamment développé dans la saison pour que l'on s'intéresse à ce que Spy/Master veut nous raconter avec eux. Les personnages égyptiens sont même plus ennuyeux qu'autre chose étant donné que Spy/Master ne sait pas vraiment quoi faire d'eux. Malgré une fin moins bonne que les premiers épisodes, Spy/Master reste une série d'espionnage palpitante avec ses frissons propres.
Note : 7/10. En bref, une série d'espionnage qui reprend certes une thématique déjà utilisée des dizaines de fois (la Guerre Froide) mais lui offre une perspective différente.
Prochainement en France