À l'occasion d'une étude sur la sécurité de la monnaie électronique, détenue hors de comptes de dépôt traditionnels, le petit cabinet de conseil britannique Dsruptiv expose quelques statistiques étonnantes sur l'emprise des opérateurs non bancaires, pour la plupart des trublions de la FinTech, sur les portefeuilles des consommateurs.
Particulièrement en pointe dans le domaine, le Royaume-Uni héberge désormais quelques 1 000 établissements de paiement et 250 émetteurs de monnaie électronique qui, à la fin de 2022, géraient environ 76 millions de comptes, soit plus que le nombre (estimé) de comptes courants classiques. Et bien que le solde moyen sur chacun d'eux soit généralement modeste, les plus de 16 milliards de livres sterling qu'ils abritent représentent tout de même environ 7% des dépôts non rémunérés dans le pays.
Beaucoup plus significatif, le volume de transactions exécutées par l'intermédiaire de ces services, soit 2,7 milliards au cours de l'année passée, équivaut à 70% de l'ensemble des opérations de virements instantanés durant la même période (les montants unitaires étant, sans surprise, nettement plus faibles, puisque le total correspondait à seulement 20%). Et, évidemment, tous ces chiffres sont en très forte progression, constante, avec des multiplications par 2 à 3 des principaux indicateurs sur les 24 derniers mois.
Certes, la comparaison avec les règlements par carte, de débit ou de crédit, paraît moins flatteuse, ceux-ci restant de l'ordre de 10 fois plus fréquents, quoique pour une valeur totale à peine double. Mais la tendance observée devrait alerter les banques historiques et les inciter à remettre en question leur dogme face à la concurrence émergente, selon lequel elles conservent un avantage inaliénable en proposant bien plus que les simples capacités de paiement de ces entreprises aux licences restreintes.
En effet, quand bien même la plupart des usagers de monnaie électronique maintiennent en parallèle une relation avec une institution financière, le risque se précise d'une transition des dépenses du quotidien vers les premiers, avec pour conséquence une baisse des échanges traités par les seconds, susceptible d'affecter directement leurs marges, et, surtout, la perte des opportunités liées à des interactions récurrentes, pas tant sur les paiements eux-mêmes que, par exemple, sur le suivi de la situation budgétaire.
Dès que le besoin de consulter la position du compte courant diminue, parce qu'il est moins mis à contribution, ce sont des moments privilégiés de contact qui disparaissent, qu'il s'agisse de mettre en avant une promotion ou un produit spécifique, de souligner l'étendue du catalogue disponible pour un nouveau projet, d'émettre une recommandation destinée à renforcer le sentiment de proximité… ou encore de justifier et légitimer l'introduction de solutions extra-financières dans le périmètre de la banque.
Heureusement, il est toujours temps de réagir ! Le terrain conquis par les nouveaux entrants reste modéré et, dans une large mesure, ils ne possèdent pas tous les atouts nécessaires pour capitaliser sur le pouvoir acquis de la sorte (certains sont cependant sur la bonne voie, tel Revolut, qui diversifie de plus en plus ses activités). Comment faire ? Je n'ai ici rien d'original à suggérer : la clé réside dans l'expérience utilisateur, qui pousse les clients à préférer recourir à un acteur plutôt qu'un autre pour leurs transactions…