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Le secteur commercial, un nouveau refuge pour les opérations de blanchiment ?

Publié le 15 juin 2009 par Gopal
Le développement de la réglementation en matière de blanchiment de capitaux a laissé à l'écart le secteur commercial, qui peut servir de refuge à de nouveaux comportements illicites. 1) Le système préventif et répressif du blanchiment s'est progressivement renforcé Toutes les personnes qui, dans l'exercice de leur profession réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux doivent déclarer au Procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu'elles savent provenir d'une activité illicite (article L.561-1 du Code Monétaire et Financier, CMF). Certaines professions exposées, mentionnées à l'article L.562-1 du CMF, sont quant à elles contraintes de déclarer au service TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins) des opérations qui pourraient provenir d'une activité illicite. C'est notamment le cas des courtiers d'assurance et de réassurance, des experts-comptables, des commissaires aux comptes, des avocats, des personnes qui réalisent, contrôlent, ou conseillent des opérations portant sur l'acquisition, la vente, la cession ou la location de biens immobiliers, des représentants légaux de casinos et sociétés organisant des jeux de hasard, des conseillers en investissements financiers. Aucune poursuite civile ou pénale pour violation du secret professionnel ne peut être intentée à l'encontre du déclarant de bonne foi. Les sommes et opérations concernées par cette obligation sont celles qui pourraient provenir du trafic de stupéfiants, de la fraude aux intérêts financiers des Communautés Européennes, de la corruption ou d'activités criminelles organisées ou qui pourraient participer au financement du terrorisme. En France, en 2005, 11553 déclarations ont ainsi été enregistrées, contre 4639 en 2001 . A côté de ce système préventif, sanctionné essentiellement sur le terrain disciplinaire en cas d'inexécution, existe un dispositif répressif du blanchiment. Les articles 324-1 et suivants du Code pénal punissent ainsi de cinq ans d'emprisonnement et de 375.000 € d'amende, sauf circonstance aggravante, toute personne qui facilite, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ou apporte un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'une infraction. Les peines d'amende peuvent être élevées jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment. Le maximum de la peine d'amende est porté au quintuple pour les personnes morales, en sus de peines complémentaires. A la crainte d'une éventuelle condamnation s'ajoutent, pour les entreprises, les conséquences de poursuites ou de suspicion de blanchiment sur leur réputation qui peuvent s'avérer dévastatrices. Si le nombre de condamnations du chef de blanchiment est en augmentation, il reste peu élevé puisque seules 87 ont été prononcées en 2004, contre 77 en 2003 . 2) Se prémunir du risque de blanchiment dans les transactions commerciales Les opérations réalisées par les entreprises du secteur commercial, qui ne sont pas soumises à l'obligation d'effectuer des déclarations de soupçon, peuvent servir de refuge pour ceux qui souhaitent blanchir de l'argent. Certaines transactions doivent ainsi attirer l'attention, notamment des services juridiques et financiers des entreprises : il peut s'agir, par exemple, de la perception de fonds dans des conditions inhabituelles, de l'interposition de personnes ou de structures opérant depuis des paradis fiscaux dans des transactions qui ne le nécessitent pas. Certes, la connaissance par l'auteur d'un blanchiment de l'origine illicite des fonds est une condition du délit de blanchiment : néanmoins, la réalisation de certaines opérations à caractère suspect pourrait, peut-être, s'analyser comme l'élément matériel de l'infraction. Du reste, ces opérations peuvent attirer l'attention d'interlocuteurs externes à l'entreprise qui doivent, eux, le cas échéant, opérer une déclaration de soupçon. On peut penser aux établissements bancaires par lesquels transitent les fonds ou bien aux commissaires aux comptes sur qui pèsent une double obligation : celle de révéler au Procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance et celle d'effectuer une déclaration de soupçon à TRACFIN en cas de doute. L'entreprise sera susceptible d'être amenée à s'expliquer sur ce que l'autorité saisie pourra considérer comme une négligence fautive, voire une complicité. Les entreprises confrontées à ce type de problématiques ont, dès lors, tout intérêt à s'interroger en amont sur l'attitude à adopter, en recherchant le difficile équilibre entre la préservation de leurs relations commerciales et la nécessité de se prémunir en termes de responsabilité. Elles pourront ainsi, dans le cadre du renforcement de leurs normes de contrôle interne, insérer des clauses contractuelles spécifiques ou bien faire remplir des attestations par leurs cocontractants quant à l'origine des fonds.

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