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Champagne ! (biologique)

Par Erwan Pianezza
 

Le Champagne est en train de  passer au vert. Sur les vignobles de la Marne, où pendant de longues années se déversaient les tristes boues de ville avec leur cortège de plastiques et détritus de toutes espèces, les producteurs de Champagne sont de plus en plus nombreux à se convertir à une viticulture biologique. L’intention est louable mais se justifie économiquement : la valeur du Champagne, produit internationalement reconnu, tient avant tout à sa qualité, qui ne peut être qu’améliorée avec des techniques spécifiques de l’agriculture biologique. Mais au pays de l’humidité et du mildiou, la conversion est difficile.

Photo ci contre : Christophe Lefevre, producteur - Vignes enherbées pour préserver l’équilibre naturel du sol -

Un dossier de l’Express fait le point sur cette nouvelle mode qui a démarré il y a plus de 30 ans dans la douleur. Extraits

L’un des pionniers, Jacques Beaufort, installé à Ambonnay, en grand cru, se souvient de l’hostilité locale. «Lorsqu’il y avait des poux à l’école du village, cela venait forcément de mes enfants, puisque je ne traitais plus mes vignes!» Et les bâtiments de son autre domaine, à Polisy, dans l’Aube, ont été détruits par un mystérieux incendie. Vieilles histoires: il a commencé le bio dès 1971, peu après avoir repris l’exploitation familiale. «Et pour ma santé personnelle avant celle de mes clients! J’avais de gros problèmes d’allergie. J’y croyais pourtant, à la chimie de synthèse! J’essayais tous les produits nouveaux et j’ai beaucoup pollué entre 1966 et 1969…»

Son premier champagne bio date de 1974. Trente ans de recul. Depuis, les choses se sont un peu calmées. Désormais, il dialogue: «Mes voisins m’accusent d’entretenir les nuisibles. Je leur réponds qu’ils détruisent mes prédateurs et que leur chimie rend les souches de mildiou de plus en plus résistantes.» Ses collègues sont intrigués. Par les prix et les récompenses que remportent ses cuvées, de grands champagnes de table, capables d’un long vieillissement. Et par ce curieux masochisme qui le pousse à limiter les rendements d’un grand cru qui se vend tout seul. «Mais moi, je vinifie tout mon raisin, je ne m’arrête pas de vendanger parce que j’ai dépassé les plafonds autorisés, en laissant les grappes sur le tiers des vignes!»

Ce puriste, qui ne cache pas qu’il a «eu des échecs», n’est plus seul, même s’il porte aujourd’hui ses critiques sur tous ces nouveaux venus à la culture bio, qui ne sont pas aussi stricts que lui. Car, si beaucoup se lancent dans cette démarche, c’est prudemment, par paliers. «Ici, à cause du climat et de la fréquence du mildiou, le passage au bio est difficile et risqué», explique Thierry Blaise, ingénieur horticole, qui a ouvert à Reims il y a seize ans Viti Concept, le premier cabinet spécialisé dans le conseil pour la viticulture raisonnée et bio. La première étape consiste à abandonner la chimie. Tout en restant lucide sur les limites de la reconversion. «Ici, certains vignerons bio mettent plus de 6 000 grammes de cuivre par hectare et par an. A la longue, cette accumulation, transformant la composition du sol, deviendra problématique, malgré la haute teneur en calcaire du terroir champenois, qui limite sa nocivité.» La vraie rupture concerne l’abandon des engrais de synthèse et des désherbants et le retour aux labours. «C’est le plus important, explique Thierry Blaise. La vigne, qui n’est plus alors nourrie en surface comme un plant de tomate, développe son système racinaire dans la craie. Elle y gagne en résistance et en réserves hydriques, et le vin y gagne en concentration, en minéralité et en pureté

Lien : L’irrésistible ascension des bulles bio


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