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Belles lectures d'été

Par Mauss

Quitte à me faire traiter de radoteur répétant des évidences sur la littérature (confer mes mentions régulières de Monsieur Nicolas Boileau Despréaux), l'été reste un moment propice pour quelques lectures légères, ayant l'avantage de créer de beaux sourires devant ces descriptions qui sont à l'écriture ce que sont les passages cultes d'Audiard au cinéma.

Pour les sérieux, lire simplement le petit roman de Gide, Isabelle, qui est un véritable bijou de la langue française.

Pour les autres…

De Gabriel Chevallier : Clochemerle Descriptif de Judith Toumignon  "A propos de Judith Toumignon on peut sans crainte  parler de chef-d’oeuvre. Sous les fascinantes torsades, le visage un peu large quoique bien galbé, aux mâchoires intrépides, aux dents irréprochables de mangeuse de bel appétit, aux lèvres fondantes et constamment humectées par la langue, s’animait de deux yeux noirs qui en rehaussaient encore l’éclat par opposition. On ne  peut entrer dans les détails de ce corps trop capiteux. Les courbes en étaient calculées pour un infaillible circuit du regard. Il semblait dû à la collaboration de Phidias, de Raphaël et de Rubens, tant les masses en étaient modelées avec une absolue maîtrise, qui n’avait laissé nulle part d’insuffisance, mais très habilement forcé au contraire sur la plénitude, de manière à donner au désir des repères plus évidents. Les seins formaient deux promontoires adorables, et l’on ne découvrait partout que tertres, tremplins, attirants estuaires, ronds-points de douceur, monts et douces clairières, où les pèlerins se fussent attardés en dévotions, où ils se fussent désaltérés aux sources rafraîchissantes. Mais ces territoires foisonnants demeuraient interdits sans laisser-passer rarement délivré. Le regard pouvait les survoler, en surprendre  quelque partie ombreuse, en caresser quelque sommet, nul ne devait s’y aventurer physiquement. Quant à la chair, elle avait une blancheur laiteuse et soyeuse dont la vue donnait aux hommes de Clochemerle une voix rauque et l’envie de commettre des actes insensés."  De Boileau : Le Lutrin (extrait)
 Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée
S'élève un lit de plume à grand frais amassée :
Quatre rideaux pompeux, par un double contour,
En défendent l'entrée à la clarté du jour.
Là, parmi les douceurs d'un tranquille silence,
Règne sur le duvet une heureuse indolence :
C'est là que le prélat, muni d'un déjeuner,
Dormant d'un léger somme, attendait le dîner.
La jeunesse en sa fleur brille sur son visage :
Son menton sur son sein descend à double étage ;
Et son corps ramassé dans sa courte grosseur
Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur. 
 Merci de me signaler quelques textes d'auteurs contemporains (oui, oui, Desproges est sur le podium) qui ont à la fois cette écriture simple et donc belle et ce sens de l'humour permanent. Bonnes lectures, car, naturellement, il faut lire ces petits chefs d'oeuvre en entier !  Et une nouvelle vidéo sur Emma Gao en Chine : ICI.
 PS : désolé : je ne résiste pas, pour les lecteurs attentionnés, de citer également la fameuse bataille du Lutrin : Mais Evrard, en passant coudoyé par Boirude,
Ne sait point contenir son aigre inquiétude ;
Il entre chez Barbin, et, d'un bras irrité,
Saisissant du Cyrus un volume écarté,
Il lance au sacristain le tome épouvantable.
Boirude fuit le coup : le volume effroyable
Lui rase le visage, et, droit dans l'estomac,
Va frapper en sifflant l'infortuné Sidrac.
Le vieillard, accablé de l'horrible Artamène,
Tombe aux pieds du prélat, sans pouls et sans haleine.
Sa troupe le croit mort, et chacun empressé
Se croit frappé du coup dont il le voit blessé.
Aussitôt contre Evrard vingt champions s'élancent ;
Pour soutenir leur choc les chanoine s'avancent.
La Discorde triomphe, et du combat fatal
Par un cri donne en l'air l'effroyable signal.
Chez le libraire absent tout entre, tout se mêle :
Les livres sur Evrard fondent comme la grêle
Qui, dans un grand jardin, à coups impétueux,
Abat l'honneur naissant des rameaux fructueux.
Chacun s'arme au hasard du livre qu'il rencontre :
L'un tient le Noeud d'amour, l'autre en saisit la Montre ;
L'un prend le seul Jonas qu'on ait vu relié ;
L'autre un Tasse français, en naissant oublié.
L'élève de Barbin, commis à la boutique,
veut en vain s'opposer à leur fureur gothique :
Les volumes, sans choix à la tête jetés,
Sur le perron poudreux volent de tous côtés :
Là, près d'un Guarini, Térence tombe à terre ;
Là, Xénophon dans l'air heurte contre un la Serre,
Oh ! que d'écrits obscurs, de livres ignorés,
Furent en ce grand jour de la poudre tirés !
Vous en fûtes tirés, Almerinde et Simandre :
Et toi, rebut du peuple, inconnu Caloandre,
 Dans ton repos, dit-on, saisi par Gaillerbois,
Tu vis le jour alors pour la première fois.
Chaque coup sur la chair laisse une meurtrissure :
Déjà plus d'un guerrier se plaint d'une blessure.
D'un le Vayer épais Giraut est renversé :
Marineau, d'un Brébeuf à l'épaule blessé,
En sent par tout le bras une douleur amère,
Et maudit le Pharsale aux provinces si chère.
D'un Pinchêne in-quarto Dodillon étourdi
A longtemps le teint pâle et le coeur affadi.
Au plus fort du combat le chapelain Garagne,
Vers le sommet du front atteint d'un Charlemagne,
(Des vers de ce poème effet prodigieux)!
Tout prêt à s'endormir, bâille, et ferme les yeux.
A plus d'un combattant la Clélie est fatale :
Girou dix fois par elle éclate et se signale.
Mais tout cède aux efforts du chanoine Fabri.
Ce guerrier, dans l'église aux querelles nourri,
Est robuste de corps, terrible de visage,
Et de l'eau dans son vin n'a jamais su l'usage.
Il terrasse lui seul et Guilbert et Grasset,
Et Gorillon la basse, et Grandin le fausset,
Et Gerbais l'agréable, et Guerin l'insipide. 

 

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