Magazine Cuisine

Primeurs 2014 à Bordeaux (4)

Par Mauss

Un crachin très nordique toute la journée, avec un bon vent du sud-ouest : conditions idéales pour bien déguster.

Merci de bien comprendre que je n'ai aucune compétence professionnelle pour donner des points de vue techniquement argumentés et qu'il s'agit ici bien plus d'exprimer des impressions de dégustation recherchant avant tout le plaisir et l'émotion.

Comme le dit avec humour Jean-Luc Thunevin sur son blog (ICI), il n'est pas si essentiel, pour commenter un cru, de connaître les proportions merlot-cabernet-PV-malbec, l'âge des vignes, l'osmose ou non, bref des tas de choses qui semblent fondamentales à la multitude de journalistes qui ont besoin de ces informations pour assoir chez des lecteurs facilement impressionnés un point de vue justifiant alors les adjectifs de médiocre, bon, excellent, grand.

La matinée a commencé à La Mission Haut-Brion, toujours médaille d'or quant à l'organisation de ces folles journées bordelaises, où le ton est donné : pas de tanins agressifs cette année, un Quintus et son Dragon preuve évidente du potentiel de ce cru en rive droite, avec une belle pointe épicée sur Quintus. Des différences bien sensibles entre LMHB et le HB. Le premier exprimant une force spectaculaire sans aucune lourdeur, le second étant déjà dans les limbes de la perfection diaphane de la beauté pure. Les blancs ? Les pointures m'accompagnant ont superbement commenté ces deux joyaux, mais personnellement j'avais le souvenir, les années précédentes, d'un peu plus de peps et de nervosité… me rappelant les grands rieslings que j'aime tant.

Dix minutes de voiture et nous voilà à Pape-Clément, avec son jardin peuplé d'oliviers de plus en plus impressionnants. Si on peut constater à Bordeaux la volonté d'un propriétaire d'aller au bout de ses idées, de ses convictions marketing, de son amour de belles choses, c'est bien ici qu'il faut venir l'apprécier.

Toujours ces innombrables cuvées chiliennes et autres qui jalonnent les propriétés bordelaises allant de Perenne (un blanc qui m'a enthousiasmé) à La Tour Blanche sans oublier les classés comme La Tour Carnet (tip-top) Fombrauge, et naturellement un Pape-Clément qui sera, à n'en pas douter, en haut des classements. La belle surprise, qui devrait rester un petit secret entre nous, est la complexité fabuleuse du Clémentin en blanc dont le RQP devrait initier bien des ordres achat.

Déjeuner à Lascombes où Dominique Bevfe, un homme qui a fait plusieurs millésimes remarquables de Lafite et d'Evangile, nous présente toujours à part les 3 cépages ayant servi à l'assemblage final : merlot, CS, PV. Le merlot, qui a eu ma préférence, avait une fraîcheur singulière, rien de minaudé, toute belle tenue et c'est probablement lui qui donne à l'assemblage final cette "signature" margaux de velouté précis et long qui fera de ce millésime 2014 un Lascombes de sommet. Chiche que bien des dégustations à l'aveugle du futur confirmeront cette réussite évidente. A table, le Chevalier 2011 et les Lascombes 2008 et 2009 ont été la démonstration classique que Bordeaux vinifie de plus en plus avec l'idée d'offrir des vins "amabile" dès les jeunes années. Là encore, des millésimes à l'aveugle qui animeront le haut du panier de cette AOC à l'occasion.

Puis, ce fut un trio de haute volée : Pichon Baron, Léoville-Poyferré, Montrose. Partout ce réel plaisir de déguster des crus en devenir où les tanins ne présentent aucune agressivité, où chaque propriétaire peut brûler bien des cierges au très haut qui leur a donné un mois d'octobre unique dans l'histoire récente bordelaise, et où les vins nous ont offerts des sensations de haut niveau : équilibre, belles finales, fruit mûr, et surtout fraîcheur et nervosité discrète. 

Sans que cela soit naturellement totalement partagé par mes amis de ce petit groupe, j'avoue un enthousiasme absolu pour Montrose qui m'a totalement bluffé par sa finesse et sa puissance si bien tenue. L'exemple même du primeur qu'on peut boire et non cracher. Vraiment un classé qui va permettre de redéfinir les caractéristiques de cette AOC réputée en retrait par une dureté historique exigeant bien plus d'années de vieillissement qu'à Margaux ou Saint-Julien.

On a entendu grand bien de Las Cases, on a dit que Margaux avait fait du Latour et Latour du Margaux (ah, ces journalistes !), mais ce que je sais c'est que Léoville-Poyferré (et très beau Le Crock), comme Pichon Baron (et ses Tourelles) seront encore, pour ce 2014, des références au sommet du 1855. Ne manquez pas de lire, sur ces vins, ce qu'en diront Bettane, Neal Martins, Abi Duhr, Masnaghetti et Antonio Galloni (qui doit arriver sous peu). Et je vais chercher les notes de Suckling qui se voit si bien en "nouveau Parker". Ambitieux, ce toscan d'adoption :-)

En finale, passage chez Ulysse Cazabonne, à l'invitation de John Kolasa qui quitte Rauzan-Ségla en juin prochain où il a oeuvré depuis tant de décennies avec sa vision si exigeante du grand vin, (sans oublier Canon en rive droite).

Là, c'est bien plus mon domaine de prédilection car on peut y apprécier une pléthore de noms bordelais dans des millésimes finis comme 2010, 2009, 2011. Le contexte, très pro, permet ainsi en un lieu, à même température, d'apprécier en comparaison immédiate aussi bien un Haut-Condissas qu'un Haut-Carles, un Sociando-Mallet, un Puy Arnaud, des Marjosse, le Clos Manou, Brane Cantenac, Haut-Bailly et pratiquement tous les classés à l'exception des premiers qui ne s'apprécient que chez eux.

Bref, Ulysse Cazabonne est vraiment l'outil incontournable pour se faire une idée juste de tout ce qui fait la réputation de Bordeaux.

Ce jour, rive droite avec La Conseillante, Figeac, Cheval-Blanc et quelques autres pointures. 

Attendons les prix de sortie avant de commenter ce point délicat, mais là encore, on n'est pas sorti de l'auberge ! Rêve interdit, ça, c'est sûr !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mauss 1569 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines