Quatrième de couverture :
Cassandra ! Un prénom romanesque, à l’image du château perdu au fin fond de l’Angleterre où vit la jeune fille et toute sa famille pour le moins excentrique. Un père écrivain qui se refuse à écrire, la merveilleuse Topaz, belle-mère fantasque, Rose, la sœur aînée rêvant au grand amour, sans parler du jeune jardinier qui n’a d’yeux que pour Cassandra. Quand surgissent deux beaux et riches Américains dans le manoir voisin, la vie au château est bouleversée.
Dans le droit fil de mes lectures royales de juin et pour commencer les grandes vacances, j’ai lu ce classique de la littérature jeunesse anglaise, que les adultes pourront tout autant apprécier.
Quand son père a découvert ce château en ruines perdu dans le Suffolk, il en est tombé amoureux et a entraîné femme et enfants dans une vie fantasque. Il est l’auteur d’un seul livre, Jacob luttant, considéré comme une oeuvre majeure de la littérature anglaise, et n’a plus rien écrit depuis. Après la mort de sa femme, il s’est remarié avec Topaz, modèle de plusieurs peintres, femme originale et courageuse, qui a pris à bras le corps la rude existence que lui offrait Mortmain : un château en ruines, sans électricité, plus aucun revenu ou presque, au point que seul le garçon de la famille, Thomas, va encore à l’école. Au moment où le roman débute, nous sommes en 1931. Cassandra raconte la vie de sa famille dans ses cahiers , son intimité avec son aînée Rose, le jeune Stephen, resté au service de la famille sans gages, mais avec beaucoup d’amour envers Cassandra (qui devrait « se montrer cassante avec lui » mais n’y parvient pas), son père qui passe son temps dans la tour de garde à… ne rien faire (ou à devenir fou ?), Topaz qui tire héroïquement son plan pour nourrir et vêtir la famille et se ressource dans la nature.
Et voilà que le vieil homme qui a donné le bail du château pour quarante ans décède et que ses héritiers, venus d’Amérique, s’installent dans le manoir voisin. La bavarde Mrs Cotton et ses deux fils, Simon et Neil, vont changer la vie de la famille de Cassandra, ainsi que l’héritage de la tante Millicent, occasion d’une mémorable expédition à Londres. Les inspirations, les sentiments, le train de vie des Mortmain vont être bouleversés par ces événements. Les valeurs de Cassandra résisteront-elles face à sa soeur amoureuse ?
Cassandra conte sa vie avec humour et tendresse, elle est pleine de générosité, d’inventivité, elle a l’esprit ouvert, elle est sensible à la nature autour du château, elle fait tout son possible pour créer ou recréer du lien entre les gens autour d’elle. Son journal intime est truffé de références littéraires, essentiellement Jane Austen et des poètes anglais, ce qui nous la rend encore plus sympathique. Dodie Smith, d’abord comédienne et metteur en scène en Angleterre avant de s’expatrier aux Etats-Unis, s’est sans doute inspirée en partie de sa propre histoire pour créer les personnages de ce premier roman (elle est aussi l’auteur des Cent un dalmatiens !) et nous offre une oeuvre pleine de verve et d’émotions.
Première page : « J’écris ces mots assise dans l’évier de la cuisine. Ou plutôt, les pieds dans l’évier ; car le reste de mon corps est sur l’égouttoir où j’ai posé la couverture du chien et le couvre-théière. Je ne peux pas dire que ce soit très confortable, surtout avec cette odeur déprimante de savon au phénol, mais c’est le seul endroit de la cuisine qui bénéficie d’un peu de lumière naturelle. Et puis je me suis aperçue qu’écrire dans un lieu inhabituel peut se révéler fort productif : j’ai écrit mon meilleur poème perchée sur le toit du poulailler. Même si ce n’est pas un très bon poème. Je suis arrivée à la conclusion que ma poésie était si mauvaise que désormais je ferais mieux de m’abstenir. »
« Qu’est-ce que j’aimerais vivre dans un roman de Jane Austen !
– Moi, j’aurais préféré figurer dans un livre de Charlotte Brontë.
– Qu’est-ce qui serait le mieux : Jane avec un soupçon de Charlotte, ou Charlotte avec un soupçon de Jane ?
C’est le genre de discussion que j’adore, mais j’avais envie de poursuivre la rédaction de mon journal, alors j’ai simplement répondu :
– A parts égales, ce serait l’idéal. »
« Quand je lis un livre, j’y mets toute mon imagination, de sorte qu’en ce sens la lecture ressemble un peu à l’écriture ; ou plutôt, c’est comme si je vivais ce que je lisais. La lecture en devient beaucoup plus passionnante mais je ne crois pas que nous soyons nombreux à agir ainsi. »
« Après le petit déjeuner, je suis allée à l’église. Le pasteur m’a aperçue de la chaire et a eu l’air particulièrement étonné de me voir. Il est venu me parler après la messe, alors que je tirais Héloïse de son petit somme sur l’une des plus anciennes tombes du cimetière.
– Cette délicieuse surprise signifie-t-elle que vous avez une requête personnelle à adresser à Dieu ?
Non, évidemment, mais j’en ai quand même profité pour faire une prière pour Rose ; non que je croie en l’efficacité des prières, mais quitte à se faire mal aux genoux, autant que ça serve à quelque chose. »
« – Vous n’avez vraiment pas envie d’aller à l’université ?
– Non, non. J’ai envie d’écrire, c’est tout. Et il n’y a aucune école pour cela, hormis celle de la vie. »
Dodie SMITH, Le château de Cassandra, traduit de l’anglais par Anne Krief, Folio junior, 2009 (Gallimard Jeunesse, 2004) (Première parution en anglais en 1949)
Je ne suis pas dans le thème du mois (classiques américains) mais il y a deux personnages américains dans ce roman
2023 sera classique chez Blandine Vivrelivre