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Critique - Oasis Love - Théâtre Ouvert (Paris)

Par Filou49 @blog_bazart
mardi 03 octobre

Capture d’écran 2023-10-01 à 10

Tout commence avec une scène de la vie quotidienne : une jeunesse qui court et trouve son souffle et sa fraîcheur dans la quête de l’amour et d’un sens des mots. Un sens auquel prête l’autrice une attention particulière : « Comme si faire parole était déjà faire émeute. ». Jusqu’à ce qu’une voiture de police surgisse… Que faut-il faire ? Courir ou garder les mains en évidence ?  

Ce projet est né d’un poème dans un foyer d’adolescentes écrit entre l’achat de canettes d’Oasis tropical et l’interpellation brutale de plusieurs jeunes. Il a pour titre « Juste, pas juste » qui se plonge dans notre rapport à l’autorité. Mais la poésie ne suffit pas pour l’autrice, il faut la mêler avec la scène.

Capture d’écran 2023-10-01 à 10

Il n’en ressort pas uniquement un discours politique au sens individuel mais plutôt politique du commun, du recueil de la parole des jeunesses de quartiers populaires. Lors du chapitre sur « le policier idéal » : Sonia Chambretto restitue le travail entamé avec des enfants et adolescents de la ville de Nanterre et sa ville natale Marseille autour de la construction de la figure de « policier idéal ». Un des enfants lui répond : « une policière ». Au tour des comédiens de les interpréter et de s’adapter à ces récits. 

Si la troupe arrive si bien à restituer et s’adapter à cette parole, c’est parce qu’elle est chorale. Chaque comédien apporte son expérience : quand Félipe Fonseca Nobre aborde les manifestations anti-G8 à Gênes en avril 2002, Lawrence Davis revient sur les manifestations de Ferguson, suite à la mort de Michael Brown, tué par des policiers. 

Quand on aborde le chapitre français, la pièce montre tout au long avec l’historicité de cette question dans les années 70-80 et l’écho de nos jours avec l’énonciation des violences policières. A noter cette allusion entre la prononciation de Maurice Papon, avec le son des deux-tons des voitures de police.

Cet ex-collaborateur (condamné en 1997 pour complicité de crimes contre l’humanité concernant l’organisation de déportations de Juifs vers le camp de Drancy) et préfet de police de Paris pendant la guerre d’Algérie, commanditaire de la répression policière du 17 octobre 1961, a participé à l’élaboration du système policier tel qu’il existe maintenant. 

Capture d’écran 2023-10-03 à 08

Un palmier est planté au fond de la scène : au début, on tente de chercher le sens avec le titre de la pièce, l’oasis-idéal auquel aspirent ces jeunesses. L’idéal de l’amour avec ces « j’te love ». Et puis cela fait sens au bout d’un moment, cet arbre se rapporte au passé colonial de la France : pour reprendre l’autrice, quand « un flic tue un jeune des quartiers populaires, il ne voit pas un jeune mais autre chose (…) il s’agit d’un boomerang de l’Histoire ».

Tous ces enchaînements auraient pu être parfaits si seulement les transitions n’étaient pas si longues et dont on perd la logique de temps en temps, le spectateur peut se perdre et perdre le fil de ce texte déconstruit à la manière d’une poésie, telle est la volonté de l’autrice. 

Ce que je garde de cette soirée, c’est une belle découverte des mots de Sonia Chiambretto et de l’utilisation des « nouvelles » formes de langages (pas si nouvelles mais pour tout "boomer" au théâtre, reprendre le langage de réseaux sociaux c’est nouveau), mais aussi une ardente interprétation de Emile-Samory Fofana, qui fait tomber le quatrième mur, en interpellant le spectateur.

Crédits Photos : Christophe Raynaud de Lage

Oasis Love – Sonia Chiambretto 

Au Théâtre Ouvert (Paris 20ème

La pièce a été jouée du 18 au 30 septembre 2023

  Jade SAUVANET


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