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Guerre, psychiatrie... et Julio Iglesias. (Antonio Lobo Antunes)

Par Jmlire

Guerre, psychiatrie... et Julio Iglesias. (Antonio Lobo Antunes)A. Lobo Antunes, 2010.

" Sur la guerre je n'ai jamais rien écrit. C'est impossible. Trop terrible, trop atroce, trop violent, trop injuste. Les vétérans du Vietnam, eux non plus ne parlent pas de leur guerre. L'Angola, la médecine, la psychiatrie ont nourri mon travail de biais... Encore maintenant, je vais chaque semaine à l'hôpital Miguel-Bombarda où j'ai exercé. J'arrive à midi, je pars à treize heures, je les écoute parler, je les regarde vivre... Etre médecin m'a beaucoup appris personnellement. La mort, je l'ai découverte dans les hôpitaux... Quant à la psychiatrie, c'est un conte de fées scientifique et la psychanalyse lacanienne un truc d'idiot. Il est d'ailleurs impossible d'imaginer un Lacan anglais ou mexicain, on lui rirait au nez...

J'ai fait des études de médecine puis j'ai exercé comme psychiatre. Après mes vingt-sept mois en Angola, comme j'étais héros de guerre, je pouvais choisir ma spécialité. La chirurgie m'aurait pris trop de temps, la psychiatrie, c'était Dostoïevski ! ... Un jour, un ami psychiatre voit des papiers dans l'un de mes tiroirs. Je lui explique que c'est un livre, Mémoire d'éléphant. Trois ans durant, il l'a envoyé à des éditeurs qui l'ont tous refusé en disant que ça ne ressemblait à rien. Puis, en juillet 1979, une petite maison l'a accepté au moment où je partais en vacances avec mes filles. Au retour, j'étais devenu Julio Iglesias !... L'éditeur avait vendu cent mille exemplaires. Il faut dire qu'avant le coup d'État les romans publiés au Portugal se déroulaient soit dans l'Antiquité, soit dans des contrées imaginaires pour échapper à la censure...

Enfant, j'étais un petit Pascal, un petit singe. Ma mère m'a appris à lire à quatre ans, au même âge j'ai eu la tuberculose et je suis resté quelques années cloué au lit, je lisais. Il m'a fallut me dévêtir de tout ça pour apprendre à vivre... J'ai mis beaucoup de temps à apprendre à vivre. Pour écrire il ne faut pas être trop intelligent, il faut être un idiot fulgurant."

Antonio Lobo Antunes : extrait d'un entretien avec Catherine Argand, Magazine Lire n°280 ,novembre 1999, recueil "Les grands entretiens de Lire", par Pierre Assouline, Éditions Omnibus, 2000.


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