Ian Fortnam, rédacteur en chef de Classic Rock Reviews, donne son avis sur la chanson dont tout le monde parle.
Lorsqu’il s’agit de grandes affaires, la sortie d’une nouvelle chanson des Beatles est à peu près ce qu’il y a de plus grand. Après tout, non seulement les Beatles sont les artistes qui ont vendu le plus d’albums dans l’histoire (183 millions d’unités de ventes certifiées et ce n’est pas fini), mais ils ne nous ont pas gratifiés d’une nouvelle chanson depuis 27 ans. C’est aussi, nous dit-on, par la voix de Paul McCartney, “la dernière chanson des Beatles”. C’est la raison pour laquelle, ces derniers jours, à l’approche de la sortie de l’album, nous avons eu droit à un teaser complet qui nous a fait frôler la mort.
Il y a d’abord eu “l’annonce”. C’est l’effondrement des médias. Après tout, les Rolling Stones ont peut-être déposé la marque “The Greatest Rock ‘N’ Roll Band In The World” pour eux-mêmes, mais ça… eh bien, ce sont les Beatles.
Ensuite, “The Short Film”, qui a fait le bonheur des fans fidèles des Beatles avec ses clips montés en douceur, qui aiguisent l’appétit des Fabs à leur apogée, les survivants de “95 Threatles” se caressant sceptiquement le menton devant le potentiel de la cassette démo brute et primitive de John Lennon, masquée par un piano et fournie par Yoko, avant la révélation chargée d’émotion de sa voix principale magnifiquement fragile (isolée de façon surprenante par le réalisateur de Get Back, Peter Jackson, et son équipe).
Puis il y a le McCartney et le Ringo Starr d’aujourd’hui qui s’enthousiasment pour le projet et qui nous donnent même un aperçu du produit fini. Le titre poignant Now And Then. Maintenant que tous les organes de presse et les marchands d’hype nous ont bien arrosés, vient le moment de vérité, celui où la musique doit enfin parler d’elle-même.
En tête d’affiche ! Elle commence, comme toutes les meilleures chansons, par un 1-2… Avant que le simple riff de piano (familier du “court-métrage” et d’un milliard de bootlegs douteux partagés clandestinement de la démo personnelle de Lennon), maintenant précis dans son incarnation nouvellement jouée par McCartney avant que la voix miraculeusement retrouvée de Lennon ne s’annonce avec “I know it’s true, it’s all because of you/And if I make it through it’s all because of you”.
Cela ressemble beaucoup à un texte chanté pour Yoko, plutôt que pour la postérité, mais c’est du Lennon classique. Et au fur et à mesure que la chanson se déroule, elle est clairement empreinte d’une mélancolie singulière, caractéristique du travail solo de Lennon à l’époque. Dans sa version démo originale, accompagnée uniquement d’accords de piano lourds et hésitants, elle frisait le larmoyant, mais au fur et à mesure que son cadre méticuleusement élaboré (en grande partie par McCartney) se déploie, elle acquiert assurément un poids émotionnel qui la rend plus que digne de son étiquette de chanson des Beatles.

Au début du deuxième couplet, Ringo entre dans la mêlée, en jouant subtilement sur le rythme du down-tempo, tandis que la chaleur familière de la basse du violon Hofner de McCartney élève l’ambiance.
Au moment du refrain, Ringo – qui n’a jamais été un gardien du rythme à quatre – réagit avec un talent certain, les cordes arrangées par Giles Martin (une caractéristique des Beatles, de Yesterday à Across The Universe) s’amplifient et, tandis que les chœurs contemporains de McCartney se mêlent à ceux de Lennon, une réaction émotionnelle involontaire est tout à fait inévitable.
Après un deuxième refrain, où la production de l’évier n’interfère jamais au détriment de la composition principale, vient le solo de guitare slide de McCartney, inspiré par les croquis sonores originaux de George Harrison en 1995, mais joué par Macca dans le style glorieux et discret de George. Toujours au service de la chanson, jamais de l’ego, c’est un hommage émouvant et approprié à l’un des guitaristes les moins encensés et les plus influents de la musique rock, emporté par un cancer en 2001, qui élève la chanson dans la stratosphère, avant qu’un combo envolé de cordes, de voix sensibles et quasi chorales ne conduisent (avec toute la déférence due aux Ramones) à un troisième couplet, identique au premier, avant une coda à quatre mains qui touche enfin les tampons dans un style extrêmement Beatles, exceptionnellement ingénieux.
Alors, auraient-ils dû le faire ? Est-ce que cela repousse trop loin les limites de ce qui constitue un disque des Beatles ? En fin de compte, les Beatles ont toujours été à l’avant-garde de la technologie audio ; leur adoption sans réserve de nouveaux sons et de techniques d’enregistrement de pointe qui ont fait progresser la pop vers le rock est, à bien des égards, la raison pour laquelle nous sommes tous ici.
John Lennon aurait-il approuvé les moyens par lesquels ses derniers mots au monde, enrichis par les Beatles, ont finalement été livrés ? On peut l’espérer. Car, comme l’aurait dit Sean Ono Lennon, il n’hésitait pas à expérimenter la technologie audio.
Quoi qu’il en soit : Now And Then, la dernière chanson des Beatles, est enfin arrivée, et elle vaut largement la peine d’être attendue.