
Je verrai toujours vos visages aborde de manière très fouillée un sujet méconnu, la justice réparatrice. Doté d'une belle maîtrise esthétique et narrative et mis en situation par de belles " tronches " du cinéma français (Leïla Bekhti, Élodie Bouchez, Adèle Exarchopoulos, Miou-Miou, Jean-Pierre Darroussin, Gilles Lellouche, Denis Podalydès), ce troisième long métrage de Jeanne Herry (Elle l'adore en 2014, Pupille en 2019) captive de bout en bout.
Fusionner drame psychologique, suspense et récit pédagogique n'était pas une chose aisée. Le scénario de Jeanne Herry parvient aisément à se sortir des ornières imposées par son sujet à la fois anti-cinématographique et complexe à traiter. La vision de cette mécanique " restaurative " s'incarne dans cas concrets de drames trop souvent banalisés, portés par des textes réflexifs et une empathie de tous les instants. À l'inverse, pas de didactisme empesé, pas de digressions inutiles, pas de longueurs ni de dialogues sans intérêt.
Et qui plus est, une absence totale de polarisation, de pathos ou de sur-dramatisation malgré la gravité du propos. Tout est ultra songé, précis, millimétré même, mais la mise en scène fluide et rythmée - en dépit des nombreuses séquences de rencontres en face à face - fait parfaitement passer les deux heures de visionnement.
On regrettera toutefois quelques petites redites et un léger excès de naïveté (tout se résout peut-être un peu trop bien pour un film avec un titre aussi lourd de sens). Des remarques toutefois très minces quand on regarde dans l'ensemble. En somme Jeanne Herry parvient avec Je verrai toujours vos visages à intégrer les rangs assez clairsemés des cinéastes français qui comptent pour vrai.
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Synopsis officiel : Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d'infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l'arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s'engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l'espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée... Et au bout du chemin, parfois, la réparation...
Sortie en salle au Québec : le 17 novembre 2023