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Masterclass de Gospel à Niort avec Emmanuel Pi Djob et Smile Gospel

Par Gangoueus @lareus
Masterclass de Gospel à Niort avec Emmanuel Pi Djob et Smile Gospel

Il faut que je vous parle de Gospel. Le week-end du 28 et 29 octobre 2023,  je me suis rendu à une masterclass de gospel à Niort, dans les Deux Sèvres et j'ai vraiment passé un très bon moment animé par Emmanuel Pi Djob et organisé par Smile Gospel.


Peut être devrais-je mentionner ce que je kiffe dans un évènement culturel. Il me sort de mon train train quotidien et me permet de rencontrer de nouveaux univers, de nouvelles personnes. Il m'offre la possibilité de partager une expérience : par exemple, avoir lu le même livre et le décortiquer ensemble. Ou encore provoquer un instrument de musique et tenter d'être en phase avec les autres. On peut toujours délirer avec sa flûte ou son trombone dans le cadre de plaisir solitaire. Mais l'altérité de partager une partition ou un jam, c'est autre chose, qu'on soit sur scène ou dans le public. Chanter dans un choeur, pour revenir à mon week-end dans l'ouest de la France, tout cela en apprenant. Avec l'artiste Emmanuel Pi Djob, j'ai été servi.
Nous étions un peu plus de 70 personnes à avoir fait le déplacement au Patronage Laïque de Niort. Une très belle salle pour chanter en choeur, une très belle technique au service de l'événement (chapeau Smile Gospel!). Ce que j'ai aimé tout au long de ce week-end c'est l'approche choisie par le maître de la classe pour transmettre l'histoire du Gospel tout en nous donnant une meilleure approche du chant en chorale. Après plusieurs exercices visant à avoir un meilleur ancrage avec le lieu, avec les éléments, avec notre corps, la manière de chanter, de partager a eu à mon niveau des effets immédiats. Pourquoi chantes-tu ? Comment chantes-tu ? Les exigences du chant Gospel.

Cours d'histoire de Gospel par le chant

Rien que par cette introduction, Emmanuel Pi Djob donne à son insu, des réponses à ce qui m'a tenu pendant des années à distance des spectacles de Gospel. S'approprier une histoire, une construction d'un peuple qui a constamment puisé dans ses entrailles et les ressources culturelles qui ont survécu à la terrible traversée de l'Atlantique pour faire face à un quotidien sans faillir, s'approprier avec irrévérence m'a personnellement longtemps gêné. Avec l'artiste enseignant Mr Blaiz, mon regard a changé. Traduire et expliquer les chants, donner du sens à cette démarche a fini par me faire comprendre non seulement le chant Gospel a porté les esclavagisés mais aussi comment cette démarche par encore aujourd'hui. Le Gospel n'est pas un folklore qu'on vient contempler en passant par Harlem, comme on assisterait à des personnages d'un zoo humain. Non.
Les premiers chants de la master class sont des chants en bassa (langue du centre du Cameroun) qui ont alimenté l'enfance et l'imaginaire de Pi Djob. Je vais être très honnête, je me suis demandé ce que cela venait faire dans un stage de gospel. Cela étant dit, Tiige n'est pas une berceuse. C'est un chant qui nous introduit à quelque chose. En élève indocile, je me dis qu'il a réussi à placer des morceaux de sa culture dans le plan. Pourquoi pas. C'est la première matinée. On la termine avec une composition de sa tante Évelyne Ngo Maa qui porte une charge certaine et qu'Emmanuel Pi Djob a remarquablement interprété. Je note que la manière de chanter change avec la manière avec laquelle nous ancrons notre rapport au lieu et nous définissons différents rapports au corps.

Bear the burden / Work songs

I'm gonna bear, Lord, bear with the world Yes !I'm gonna bear, Lord, bear the burden in the heat of the day !L'après midi, on traverse l'Atlantique et on démarre sur un worksong. Je ne connaissais pas cette nuance entre les  chants de travail et les negro spirituals qui arriveront assez vite. On allie technique vocale, chant en choeur tout en mettant du sens dans les choses. On ne chante pas un worksong comme si on allait acheter une baguette au coin de la rue. Emmanuel Pi Djob nous fait prendre conscience des choses, de la manière avec laquelle chaque type de chant doit être habité. Je commence à comprendre la direction prise. En parallèle, je pense à Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain. Aux coumbites des travailleurs haïtiens dans les années trente accompagnés de worksong.Sometimes I'm up, sometimes I'm down (solo)Bear the burden in the heat of the day ! (choeur)

No more auction block for me / Negro Spirituals

No more auction block for mePuis on passe aux Negro spirituals. J'ai grandi avec certains de ces chants. Mes parents avaient des albums de Negro spirituals. Ce n'est pas encore du Gospel. Ce sont des chants antérieurs aux années 1920 qui ont accompagné les AfroAméricains à partir du 18ème siècle. Emmanuel Pi Djob choisit un morceau très spécifique qui est lié à l'abolition de l'esclavage par le président Lincoln, No more auction block for me. Là tu te dis que ça devient lourd. Oui et non. Techniquement, pas du tout. Les negro-spirituals sont chantés avec une certaine gravité et beaucoup de rondeur dans la voix. Il y a moins d'artifices sur le plan de l'accompagnement musical. Pour une illustration qui puisse vous parler, je pense au Golden Gate Quartet qu'on a accompagné au festival de Gournay-en-Bray l'an dernier. Puis viendra les fondateurs du Gospel. Thomas A Dorsey. On a interprété plusieurs chants dans ce registre. Dans la catégorie ténors, il fallait pousser un peu la voix, nous, ténors, étions en sous effectif. Les soprani et les alti constituant logiquement l'essentiel des troupes. L'exercice est magnifique. No more auction block for me, no more, no more.No more auction block for me, many thousands gone.
Ces chants s'appuient sur des épisodes bibliques. Et je pressens des militants afrocentristes hargneux venir pointer le bout de leur museau en criant à l'aliénation. Je parle surtout du Gospel. Ce qui est intéressant dans ce domaine de la musique, c'est l'appropriation d'un discours, sa customization et le sens qu'a le Gospel. On ne chante pas cette musique pour le plaisir. On transmet un discours par la forme du chant. Une parole d'encouragement, un discours de résilience. Je reviendrai dans un autre article, sur le contenu de certains de ces chants et sur ce que je reçois dans les camps Gospel auxquels je participe.No more auction block for me, many thousands gone.

Gospel

Nous avons eu droit à plusieurs chants de GospelOh Happy day!L'un des derniers chants est le fameux Oh Happy day! qu'on chante comme des fous aujourd'hui. Mais le contexte de l'écriture de ce chant renvoie à un moment douloureux des Afro-Américains et à d'autres réalités. Malcolm X, Martin Luther King sont assassinés au cours de la décennie 60. La condition des Afrodescendants est plus qu'incertaine malgré les avancées et la lumière d'espoir qu'a représenté le mouvement des droits civiques. Et l'atmosphère n'est pas à la rigolade quand Edwin Hawkins adapte un chant presbytérien classique sur un rythme de bossa nova en inscrivant subrepticement la nécessité de combattre entre le renouvellement, la purification de l'être intérieur et son action par la prière.

Deux jours instructifs où j'ai personnellement lié l'utile à l'agréable. Merci au Maître de la classe, Emmanuel Pi Djob.
Source Photo - Wikipedia / Pascale Wauters

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