Énéide, livre 2 - Virgile
Énée parle :
… Déjà plus distinct le bruit des flammes se rapproche ; les tourbillons de l’incendie roulent plus près de nous. « Eh bien ! dis-je à mon père, placez-vous sur les épaules d’un fils : je vous porterai, et ce fardeau me sera léger. Quoi qu’il arrive, nous courrons les mêmes dangers, ou nous nous sauverons ensemble. Que le jeune Iule marche à mes côtés, et que Créuse suive de plus loin nos pas. (…) Et vous, ô mon père, portez dans vos mains les objets sacrés et les images de nos dieux (les pénates) : moi, qui sors d’un combat sanglant et qui suis encore tout fumant de carnage, je ne puis y toucher sans crime, avant de m’être purifié aux sources d’une eau vive. »
(selon une traduction trouvée sur internet : Restitution v. 0.1 : Gérard Gréco © 2009)
Incendire - Hélène Cixous (éd. Gallimard)
Quatre-vingts ans après la fuite d’Énée porteur d’Anchise — courant de toutes ses forces, alors qu’il sentait dans son dos les langues des flammes près de le mordre, il ne restait de toute sa jeunesse enchantée,
comme après le Grand Incendie de la Teste de Buch qui a mis en fumées noires et en cendres la plus millénaire la plus grande la plus vierge forêt d’Europe en ce fatal été 22, emportant dans la mort, sans autre tombeau que les vents océans, des centaines de milliers de créatures rôties vivantes, à peine les flammes hautes de cent mètres se sont lassées de leurs danses arrogantes, tandis que le sacrifice le plus spectaculaire jamais offert aux forces d’autodestruction exécutait son dernier acte
il ne restait plus rien qu’un récit
Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? - Mahmoud Darwich (éd. Actes Sud)
Jusqu’à ma fin et la sienne
— Fatigué de marcher, mon enfant, fatigué ?
— Oui, père
Ta nuit est longue sur le chemin,
Et le coeur a coulé sur le sol de ta nuit
— Tu restes aussi léger qu’un chat
Grimpe sur mon épaule
Sous peu nous franchirons la dernière forêt des térébinthes et des chênes
Voici le nord de la Galilée
Le Liban est derrière nous
Et tout le ciel nous appartient de Damas aux beaux remparts de Saint-Jean-d’Acre
— Et après ?
— Nous rentrons à la maison. En connais-tu la voie mon fils ?
— Oui, père
Un petit chemin à l’est du caroubier de la grand-rue
Il débute étroit, car les figuiers de Barbarie le serrent, et va s’élargissant jusqu’au puits
Donne sur le vignoble de l’oncle Jamil, le marchand de tabac et de pâtisseries
Se perd dans une aire à moisson, se redresse
Et s’installe dans notre maison, sous la forme d’un perroquet
— Connais-tu la maison, mon fils ?
— Tout comme le chemin, je la connais
Un jasmin entourant une porte de fer
Des pas de lumière sur l’escalier de pierre
Un tournesol qui scrute ce qu’il y a derrière l’endroit
Des abeilles familières qui préparent le petit déjeuner de grand-père, sur le plateau en osier
Dans la cour, un puits, un saule et un cheval
Et derrière la clôture, un lendemain qui feuillette nos archives
— Fatigué, père ?
Je vois la sueur dans tes yeux
— Je suis fatigué. Me porteras-tu ?
— Comme tu m’as porté
Je porterai cette tendresse
À son commencement et au mien
Et j’irai ce chemin à son terme
Et au mien.
(traduction Elias Sanbar)
La scuplure reproduite ci-dessus est une oeuvre de Gian Carlo Benini, dit Le Bernin (17e siècle)