Dans le cadre des Feuilles Allemandes organisées par Patrice et Eva du blog Et si on bouquinait un peu, j’ai lu ce grand classique de la littérature allemande : le fameux Faust de Goethe, une pièce de théâtre qui a eu une énorme influence sur la littérature européenne du 19è siècle, mais aussi sur la peinture (thèmes iconographiques liés au diable ou aux sorcières, comme chez Delacroix) ou encore sur la musique (plusieurs opéras s’en sont inspirés – cf Gounod ou Berlioz). Cette influence ne s’est d’ailleurs pas limitée au 19è siècle, et elle a pu se prolonger au 20è siècle (cinéma, avec René Clair, entre autres) ou même à des époques plus récentes.
Note Pratique sur le livre
Editeur : Garnier-Flammarion
Genre : Théâtre, Drame
Première Date de publication : 1808 (Faust I)
Traduction de Gérard de Nerval de 1828
Nombre de Pages : 174
Résumé de l’intrigue
Faust est un docteur très savant, alchimiste, philosophe, pratiquant l’occultisme. Mais il est déçu par la connaissance, par toute cette science livresque, qui ne lui apporte pas de satisfaction. Un soir, le Diable lui-même, en la personne de Méphistophélès, se retrouve prisonnier chez lui et Faust passe un pacte avec lui. Le Diable devra le servir et accéder à ses désirs durant son séjour sur Terre mais, après la mort, Faust sera damné, son âme ira en enfer. Bientôt, le désir que Faust souhaite réaliser concerne une honnête, pauvre et pure jeune fille, Marguerite. Méphistophélès commence par se dérober à cette demande puis il aide Faust à séduire la jeune fille.
Mon Avis en bref
C’est une pièce qui demande probablement de gros moyens si on veut la monter : il y a une profusion de personnages, de décors et de costumes qui peuvent sûrement produire des effets formidables et donner lieu à des mises en scène très recherchées, intéressantes et spectaculaires. Ne serait-ce que la scène de Sabbat (nuit de Walpurgis) peut être l’occasion pour un metteur en scène de donner libre cours à tous ses fantasmes et visions imaginaires les plus débridées.
Même si je pense que cette pièce vaut sûrement la peine d’être vue sur scène, j’ai trouvé qu’elle était également très belle à lire et j’y ai pris un grand plaisir. La traduction de Gérard de Nerval peut sembler par moments un peu trop lyrique et même un peu désuète par rapport aux goûts actuels mais elle a l’avantage d’avoir été validée et admirée par Goethe lui-même, et de parfaitement coller à l’époque romantique, à l’esprit du 19ème siècle.
Pendant ma lecture j’ai souvent repensé au fameux roman de Boulgakov « Le Maître et Marguerite » et j’ai un peu regretté de ne pas avoir lu ces deux livres à la suite l’un de l’autre car je suppose que « Faust » rend la compréhension de Boulgakov bien plus claire et précise, à travers de nombreuses références décalées et ironiques.
Cette pièce m’a vraiment beaucoup plu par ses dialogues brillants, émaillés de réflexions philosophiques et de strophes poétiques, mais aussi par sa fantaisie et son caractère fantastique. Goethe jongle ainsi avec plusieurs tonalités antagonistes, des plus sérieuses aux plus grotesques, des plus angéliques aux plus diaboliques, ce qui forme un ensemble riche et stimulant, qui parle à l’intelligence et au cœur.
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J’ai choisi des extraits un peu moins célèbres que celui du pacte entre Faust et le Diable, que vous n’aurez aucune difficulté à trouver sur Internet, par exemple sur Babelio.
Extrait page 44
Le Seigneur
Connais-tu Faust ?
Méphistophélès
Le docteur ?
Le Seigneur
Mon serviteur.
Méphistophélès
Sans doute. Celui-là vous sert d’une manière étrange. Chez ce fou rien de terrestre, pas même le boire et le manger. Toujours son esprit chevauche dans les espaces, et lui-même se rend compte à moitié de sa folie. Il demande au ciel ses plus belles étoiles et à la terre ses joies les plus sublimes, mais rien de loin ni de près ne suffit à calmer la tempête de ses désirs.
Le Seigneur
Il me cherche ardemment dans l’obscurité, et je veux bientôt le conduire à la lumière. Dans l’arbuste qui verdit, le jardinier distingue déjà les fleurs et les fruits qui se développeront dans la saison suivante.
Méphistophélès
Voulez-vous gager que celui-là, vous le perdrez encore ? Mais laissez-moi le choix des moyens pour l’entraîner doucement dans mes voies.
Le Seigneur
Aussi longtemps qu’il vivra sur la terre, il t’est permis de l’induire en tentation. Tout homme qui marche peut s’égarer.
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Un Extrait page 74
Faust
Sous quelque habit que ce soit, je n’en sentirai pas moins les misères de l’existence humaine. Je suis trop vieux pour jouer encore, trop jeune pour être sans désirs. Qu’est ce que le monde peut m’offrir de bon ? Tout doit te manquer, tu dois manquer de tout ! Voilà l’éternel refrain qui tinte aux oreilles de chacun de nous, et ce que, toute notre vie, chaque heure nous répète d’une voix cassée. C’est avec effroi que le matin je me réveille ; je devrais répandre des larmes amères, en voyant ce jour qui dans sa course n’ accomplira pas un de mes vœux ; pas un seul ! Ce jour qui par des tourments intérieurs énervera jusqu’au pressentiment de chaque plaisir, qui sous mille contrariétés paralysera les inspirations de mon cœur agité. Il faut aussi, dès que la nuit tombe, m’étendre d’un mouvement convulsif sur ce lit où nul repos ne viendra me soulager, où des rêves affreux m’épouvanteront. Le dieu qui réside en mon sein peut émouvoir profondément tout mon être ; mais lui, qui gouverne toutes mes forces, ne peut rien déranger autour de moi. Et voilà pourquoi la vie m’est un fardeau, pourquoi je désire la mort et j’abhorre l’existence.
Méphistophélès
Et pourtant la mort n’est jamais un hôte très bien venu.
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