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"Veiller sur elle" de Jean-Baptiste Andrea

Par Cassiopea

Veiller sur elle
Auteur : Jean-Baptiste Andrea
Éditions : L’Iconoclaste (17 Août 2023)
ISBN : 978-2378803759
594 pages

Quatrième de couverture

Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains. Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d'une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l'ombre d'un palais génois. Mais elle a trop d'ambition pour se résigner à la place qu'on lui assigne.

Mon avis

1986, une communauté religieuse, quelque part en Italie. Les frères veillent l’un des leurs, même s’il n’a jamais prononcé de vœux alors qu’il est là depuis quarante ans. C’est la fin, à quatre-vingt-deux ans, il va mourir. Mais qui était cet homme ? Sous ses yeux fermés, dans sa demi-conscience, les souvenirs affluent et il les partage…

Ses parents ont fui la Ligurie, il est né en 1904 d’un père sculpteur. Il l’observe, l’écoute, s’imprègne de chaque geste, fasciné par son métier. Sa mère l’a nommé Michelangelo, comme si ce prénom pouvait lui donner un statut, de la force, à lui, qui est né avec un handicap (il est de petite taille). Mais le plus souvent, il est Mimo.

La première guerre mondiale arrive et c’est la mort du paternel. Sa Maman l’envoie en Italie, chez un oncle, sculpteur lui aussi, à Pietra d’Alba. Mais là-bas, le jeune garçon n’est pas aimé. Le tonton aime la divine bouteille et supporte mal que le rejeton soit meilleur que lui. Parce que, oui, déjà, à peine adolescent, son talent se dessine… Mais que c’est difficile avec son nanisme de s’imposer, d’être « reconnu ».

Un jour, il doit se rendre chez les Orsini, une famille fortunée non loin de l’atelier. Par un curieux coup du destin, il rencontre Viola, la fille de la maison. Une âme libre, qui n’a pas l’intention de se laisser voler sa vie, ses choix, malgré les conventions, la bienséance. Une amitié naît alors sous les yeux du lecteur attendri. Une de ses amitiés improbables mais vraies… Ces deux-là se « portent », se protègent, se cachent des adultes, se « nourrissent » l’un de l’autre. Ils peuvent parler et se taire ensemble, ils se comprennent….

« Nous ne sommes pas des aimants. Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silence. »

Les adultes, les bien -pensants vont-ils tolérer une telle relation ? Qu’est-ce que l’avenir leur réserve ? Mimo rencontrera-t-il le succès qu’il mérite, lui dont l’art est toute sa vie ? Les carcans qui les enferment peuvent-ils disparaître ? Les personnalités des deux amis sont belles. Ils sont à la fois rebelles, attachants, volontaires, rayonnants. On accompagne ces deux destins, on espère avec eux, on souffre aussi.

Ancré dans un contexte historique très riche (l’auteur glisse de temps à autre des événements ayant existé) dans un pays bouleversé par la montée du fascisme, ce récit est magnifique. Porté par un souffle épique, accompagné d’un vocabulaire de qualité, recherché mais sans emphase, le texte nous porte et nous emporte. L’écriture de l’auteur est lumineuse, délicate, tout fait sens. Quand il parle de sculpture, on a envie d’aller visiter un musée et de voir cette oeuvre sur qui Mimo veillera jusqu’à la fin de sa vie….

« Imagine ton œuvre terminée qui prend vie. Que va-t-elle faire ? Tu dois imaginer ce qui se passera dans la seconde qui suit le moment que tu figes, et le suggérer. Une sculpture est une annonciation. »

Coup de coeur !

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