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L’amour sans larmes

Publié le 29 novembre 2023 par Adtraviata
L’amour sans larmes

Présentation de l’éditeur :

Angel, femme séduisante, égocentrique et généreuse, attend impatiemment le retour de son fils. Elle règne sur la vie de ses enfants. Aucun ne résiste à ses sourires manipulateurs. Elle a un plan pour chacun d’eux. La superbe Slaney réussira le mariage parfait grâce à ses intrigues. Julian, le jeune héros qui revient de la guerre (qu’Angel considère encore comme son bébé) dirigera le domaine familial, et Tiddley, sa nièce, orpheline, qui n’a pas la sophistication de ses cousins, sera sans aucun doute ravie de devenir l’esclave consentante d’Angel.
Mais les plans d’une mère ne se déroulent pas toujours comme prévu (…)

Encore une découverte et une sortie de (très (très) vieille) PAL avec ce roman de Molly Keane, autrice irlandaise.

On pourrait dire qu’il ne s’y passe rien ou presque : une femme attend le retour de son fils, pilote de guerre dans la RAF. Angel a deux enfants, Julian, le pilote que la guerre a fortement éprouvé moralement (on le comprendra au fil du roman) et Slaney, à peine 18 ans, aux émotions aussi vives qu’instables. Dans sa maison vivent aussi sa nièce Tiddley, garçon manqué qui attend elle aussi avec impatience le retour de Julian, Birdie, la gouvernante et cuisinière à la fois ; pas loin d’elle, habite Oliver, un homme malade moralement et physiquement qu’elle a ramené d’Autriche avant la guerre et qu’elle a aidé à revivre. Angel a tout préparé, dans les moindres détails, pour célébrer le retour du fils qu’elle appelle toujours « mon bébé ». On pourrait croire qu’elle déploie des trésors d’amour maternel merveilleux mais en réalité, elle a toujours et veut toujours tout contrôler de la vie de ses enfants et de tous les occupants de sa maisonnée. Elle manipule adroitement sa fille pour qu’elle renonce à son « amourette » avec un jeune colonel revenu lui aussi de la guerre, elle parvient sans problème à obtenir de Tiddley et de Birdie une quantité de travail insensée, rien qu’en distribuant avec parcimonie ses félicitations et ses sourires. Et elle espère attacher définitivement à son château le fils bien-aimé. Mais voilà que Julian débarque avec une fiancée américaine plus âgée que lui, divorcée (tiens, ça me fait penser à quelqu’un…), que l’on devine un rien vulgaire. Et la fiancée en question n’est pas tout à fait une inconnue… Grain de sable après grain de sable, le bel édifice conçu par Angel risque bien de s’effondrer lamentablement…

Il y a un peu de Jane Austen dans ce roman, avec les intrigues secrètes, les amours compliquées, les jalousies, les larmes, et ce personnage d’Angel qui domine tout et tout le monde et croit pouvoir tenir son empire éternellement. En réalité, c’est une femme froide et calculatrice, peu sensible aux sentiments de ceux et celles qui l’entourent, mais aussi dotée d’une volonté et d’une capacité à rebondir sans cesse : son personnage est très finement campé par Molly Keane, de même que les personnages secondaires, en particulier Julian, Slaney, Birdie et Oliver. L’action est resserrée sur deux jours (et une journée supplémentaire trois semaines après le retour de Julian), en une construction subtile basée sur les manoeuvres d’Angel et les réactions de son entourage. La maison et le jardin familial participent au charme du roman, de même que les pointes d’ironie savamment dosées par Molly Keane.

« Elle arbora une nouvelle fois son merveilleux sourire courageux, et le porteur, sincèrement ému, la regarda s’écarter de la jetée : vaillante, joyeuse, pitoyable, magnifique, elle lui avait sans s’en rendre compte joué éhontément toute la gamme. » (p. 91)

« C’était sa voix, ferme, rocailleuse et douce : Angel n’avait jamais été aussi effrayée par une voix. Elle attendit immobile, suspendue, solitaire, toutes ses fibres tendues jusqu’à la dernière. Ses mains, ses yeux, les muscles de son ventre se durcirent, formant comme des nœuds et des pierres. L’air de l’après-midi était fait de feu, de glace et de solitude. Elle était en dehors, et ce pour la première fois. » (p. 103)

« Ils s’aventuraient désormais sur un terrain miné – les vieilles adorations, les vieilles rancœurs de la chair, les sacrifices gâchés, les intentions percées à jour, les consentements amers. Oliver savait à quel point les souvenirs de Birdie et ses réactions actuelles étaient colorés par la nature même du passé, par ces années qui avaient emporté sa jeunesse, par tout cet amour qu’elle avait donné parce qu’elle ne pouvait faire autrement qu’aimer.

Il dit tranquillement : « Elle va détester ça. »

Birdie précisa avec une douceur effroyable : « Et s’arranger pour tout casser. (…) » (p. 144-145)

Molly KEANE, L’amour sans larmes, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, Editions Quai Voltaire / La Table ronde, 2000

2023 sera classique chez Blandine Vivrelivre  (complètement hors thème du mois)


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