Magazine Culture

"Comme si nous étions des fantômes" de Philip Gray (Two Storm Wood)

Par Cassiopea

Comme si nous étions des fantômes (Two Storm Wood)
Auteur : Philip Gray
Traduit de l’anglais par Elodie Leplat
Éditions : Sonatine (7 Septembre 2023)
ISBN : 978-2383991007
506 pages

Quatrième de couverture

Trois mois après la fin de la Première Guerre mondiale, une jeune Anglaise, Amy Vaneck, arrive à Amiens afin d'en apprendre davantage sur l'homme qu'elle aime, Edward Haslam, porté disparu dans les tranchées. Les champs de bataille de la Somme sont désormais silencieux. Ne restent sur place que quelques hommes qui se livrent à la tâche difficile de rassembler les dépouilles et d'essayer de les identifier. Parmi eux, le capitaine Mackenzie, qui se propose d'aider Amy. Mais lorsqu'on retrouve treize cadavres dissimulés dans un tunnel au fond d'une tranchée, celle où Edward a été vu pour la dernière fois, tout change. D'autant plus qu'il apparaît bien vite que leur mort n'a rien à voir avec les combats, ni avec l'armée allemande.

Mon avis

Ce récit nous replonge dans l’atmosphère de la première guerre mondiale. Il présente plusieurs périodes et lieux en alternance, allant de 1916 à 1919, de la France à l’Angleterre. Ceci nous permet de suivre différents personnages. Certains sont au cœur du conflit, d’autres le vivent différemment en retrouvant un époux blessé, défiguré, marqué psychologiquement, usé par tant de peur, de violence, d’angoisse ….

En 1916, Amy Vaneck, jeune femme anglaise, a une vie calme et rangée. Elle doit être dans « les convenances » et sa mère ne tolère pas d’écart, ni dans les fréquentations, ni dans les actions. Il faudra qu’elle se marie avec un homme de son rang, qu’elle soit en phase avec le décorum de sa famille. Pourtant, elle rencontre Edward, un enseignant, musicien. Il est d’un milieu plus simple que le sien et une histoire d’amour est inenvisageable, voire interdite. L’éternel dilemme du cœur et de la raison…. Amy, un brin rebelle, ne peut pas passer à côté d’un amour comme celui-ci. Alors ces deux-là s’aiment en cachette.

Edward est contre les conflits, il ne veut pas se battre mais il n’a pas le choix, il part à la guerre. En Août 1918 il est porté disparu, en France… Pas de corps, pas de tombe, pas de vraie preuve de sa mort…. Amy, en femme courageuse et volontaire part sur place pour comprendre, faire son deuil…. Elle va être confrontée aux horreurs d’après-guerre, ces champs de bataille où des soldats cherchent des restes humains pour leur donner une sépulture décente, les rendre à ceux qui les ont aimés. Elle avance un jour après l’autre, dans des conditions terribles, difficilement imaginables. Elle se sent ainsi plus près de ce qu’a vécu son fiancé, certains lieux lui rappellent les lettres qu’il lui a envoyées. Elle est confrontée à des événements terribles. Elle se relève et elle continue sans baisser les bras, porté par le serment qu’elle a fait à son compagnon. Elle rencontre des militaires, la plupart lui conseille de rentrer, se moquent d’elle et de sa quête, quelques-uns semblent vouloir l’aider….

Un jour, elle croise un prévôt, ancien de Scotland Yard, il est en mission mais ne dévoile pas tout. Une étrange relation se noue entre ces deux-là. Il lui demande presque de l’aide, mais dans quel but ?

Sur des terres insécuritaires, dévastées par les tirs de mortiers, les tranchées, les grenades, avec des habitations détruites, des lieux isolés, de la poussière, des individus parfois dangereux, une ambiance délétère, Amy ne lâche rien. Elle est admirable dans sa détermination.

Ce roman à la trame historique a un aspect policier car plusieurs situations peuvent être assimilées à des enquêtes. Il nous offre des portraits détaillés, précis où le caractère de chacun est bien défini pour qu’on comprenne le comportement des protagonistes. Par ses multiples approches de la guerre et de ses conséquences (avant, pendant, après), c’est une profonde réflexion sur une période troublante et troublée.

L’écriture (merci à Elodie Leplat pour sa traduction, elle marche sur les traces du regretté Fabrice Pointeau pour la qualité de son travail) est majestueuse, le rythme soutenu. L’intrigue aux diverses ramifications est bien pensée et très intéressante. J’ai aimé ce recueil qui donne une belle place aux femmes, qui parle des chinois qui sont venus travailler en France à partir de 1916 et de toutes ces personnes (hommes ou femmes) marquées à jamais dans leur corps, leur esprit…les cauchemars ne les quitteront pas et il leur faudra être forts pour se reconstruire et croire encore en la vie….

Un excellent livre !


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines