Un petit focus sur quelques récentes sorties DVD de ce début décembre :
1. About Kim Sohee, sortie le 6 décembre, Arizona distribution
Beau succès en salles pour un long métrage coréen sur un sujet plutôt difficile d'accès , le film a dépassé les 100 000 entrées en salles.
Jeune adolescente rêvant de danser comme ses idoles les stars de K Pop, Sohee (Kim Si-eun, magistrale) est forcée par son école à travailler en tant que stagiaire dans un centre d'appels,
En plus de devoir supporter le traitement des clients pour un salaire de misère, elle doit accepter malgré elle un système de concurrence cruelle où chaque employé est humilié et détesté s'il a le malheur de connaître un peu plus de réussite que son voisin.
L’oppression du management est un mal qui ronge toutes nos sociétés ultralibérales: Ken Loach ne cesse de le clamer de film en film, la cinéaste coréenne July Jung ( dont le premier film A girl in my door a déjà 8 ans) en rajoute une couche de façon assez éblouissante
Sous couvert de polar social, son film présente une critique viscérale et magistrale du monde professionnel déshumanisant sud-coréen et de son exploitation de la destruction des rêves d'une jeunesse conditionnée à accepter l'inacceptable, à savoir ce management visant uniquement la performance au détriment de l’humain.
About Kim Sohee est une plongée fascinante et brutale dans les défaillances institutionnelles d'une Corée du sud où le libéralisme économiquesemble avoir nettement sur l'humanité et l'entraide .
La réalisatrice met en scène cette descente dans la dépression avec une précision millimétrée, introduisant au compte goutte des éléments d'un scénario implacable, et s'appuie pour cela sur une mise en scène aussi rigoureuse et opressante qui s'autorise quelques plans plus poétiques.
Sans spoiler le virage que prend le film à mi parcours, l'apparition au bout d'une heure de film d'un personnage important (joué par l'excellente Bae Doona vue récemment chez Kore Eda) vient apporter un contrepoids salvateur et une volonté de réparer les injustices subit par la jeune Kim Sohee auparavant qui heureusement apporte une note d'espoir à un portrait bien sombre.
Un éblouissant polar social comme un vrai coup de maitre !
Bonus :
Entretien avec la réalisatrice (15min)
2 LA VOIE ROYALE ; 9 Décembre (éditions pyramide vidéo)
Sophie est une lycéenne brillante. Encouragée par son professeur de mathématiques, elle quitte la ferme familiale pour suivre une classe préparatoire scientifique.
Au fil de rencontres, de succès et d’échecs, face à une compétition acharnée, Sophie réalise que son rêve, intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours... un vrai défi d’ascension sociale!
Dans son nouveau film, en salle le 9 août, le réalisateur Frédéric Mermoud, dont on avait beaucoup aimé le précédent film Moka, a choisi de se pencher sur le système éminemment français des filières vers les grandes écoles nationales.
Reçue à Descartes MPSI, une école lyonnaise (fictive, mais les lyonnais reconnaitront sans mal le Lycée du Parc, lycée d'excellence bien connue) de préparation aux Grandes écoles, sa jeune héroïne, Sophie va vite se retrouve écrasée par le rouleau compresseur et assez conservateur de l'institution.
Très documenté, le scénario du film évite les facilités d'écriture et de tomber dans les caricatures, là où il aurait été facile de dépeindre les méchants bourgeois d'un côté et la gentille famille ouvrière de l'autre.
Mêlant habilement lutte des classes et quête identitaire, "La voie royale" est une étude pertinente et concise de la quête d'une jeune fille pour conquérir l'estime de soi.
Loin du stéréotype du transfuge de classe à la Edouard Louis, Sophie est un personnage complexe, qui ne se pose jamais en victime expiatoire.
Pour conserver intact ses valeurs et ses convictions, Sophie devra s’émanciper du formatage et de ces hauts lieux de formation où le néo-libéralisme est érigé en modèle ultime.
Frédéric Mermoud montre avec beaucoup de finesse l’éveil politique et amical de cette jeune femme, qui devra apprendre à faire des choix radicaux sous l'autel de son ambition .
Le film repose aussi sur un casting très bien choisi.
Suzanne Jouannet et Marie Colomb, deux espoirs déjà confirmés du cinéma français, forment un duo d'une belle complicité .
De tous les plans ou presque, Suzanne Jouannet, revélée dans Les Choses humaines, d'Yvan Attal, dégage à la fois quelque chose de très accessible et d'une fierté des plus touchantes .
Quelques mois après le formidable thriller de Sylvain Desclous De grandes espérances sur une jeune femme issue d'un milieu modeste dont le chemin vers l'ENA était fortement remis en question, cette voie royale vient joliment enfoncer le clou de ces récits iniatiques qui voient des jeunes femmes tenter de tenir bon sur le chemin de la réussite éducative et professionnelle.
Bonus:
- Courts métrages: L’escalier (2003 - 21mn) Rachel (2006 - 14 mn) Pas vu pas prix (2016 - 14mn) - Entretien avec Frédéric Mermoud (20 mn) 3.SOUS LE TAPIS, BLAQ OUT, 5 décembre
La mort frappe quand elle veut. Même le jour de l’anniversaire d’Odile, alors que ses enfants et petits-enfants doivent arriver auprès d’elle et son mari, Jean. Difficile d’accepter l’inacceptable, un jour comme celui-ci. Difficile d’être séparée de l’être aimé, inconcevable de vivre sans celui qui la porte depuis toujours.
Alors dans la panique sans doute, sous les effets du choc, Odile refuse. Odile cache cette vérité insoutenable… sous le tapis momentanément. Et Jean démarre son repos éternel sous le lit de leur chambre à coucher.
Petit retour sur le premier long-métrage de Camille Japy en tant que réalisatrice, Sous le Tapis, sorti en pleine confidentialitéen été dernier .
Avec beaucoup de délicatesse, de poésie, d’onirisme, la comédienne qu'on avait adoré chez Jacques Maillot dans nos vies heureuses mais qui n'a pas forcément eu la carrière qu'elle méritait dépeint dans cette fresque familiale les non-dits, l’amour et le rapport à la mort que vivent des personnages joués par un beau casting composé de Ariane Ascaride, Bérénice Bejo, Thomas Scimeca et Marilou Aussilioux.
« Sous le tapis » est une histoire de liens, de la place que l’on occupe parfois sans le percevoir, de l’intergénérationnel qui se transmet parfois dans l’inconscient.
Dans sous le tapis, chaque personnage laisse entrevoir ses failles, ses secrets, ses aspérités….petits et grands se révèlent, petit à petit.
Temporiser le malheur et la tristesse, souffler ses bougies, partager le repas, faire comme si, inventer des bobards. Dans « Sous le tapis », relations mère-fille et grand-mère-petits-enfants sont ciselées, dentelées même.
On sent que ces thèmes tiennent à cœur à la cinéaste Camille Japy, qui a travaillé les corps et les rôles de ses acteurs avec patience, amour et passion.
Chaque mot, chaque craquement de parquet, chaque sourire et soupir est à sa place, juste, émouvante dans ce film que le temps permettra peut être de réévaluer.