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Mon fantôme

Publié le 08 décembre 2023 par Adtraviata
Mon fantôme

Quatrième de couverture :

Lorsque le fantôme de Rachid Taha lui demande d’annoncer sa résurrection au monde entier, Mehdi voit basculer son quotidien bien rangé de père quinquagénaire et divorcé. En échange de son aide, le chanteur défunt exaucera le vœu de son choix. Fortune ? Gloire ? Beauté ? Mehdi, professeur de latin reconnu, préfère demander un manuscrit disparu de Cicéron, pour lequel il nourrit une étrange obsession :  La Consolation.

Mehdi Ouraoui, autrefois plume politique et auteur d’essais, signe ici son premier roman. Par le choix d’un narrateur qui s’appelle lui aussi Mehdi et est lui aussi originaire du pays basque, l’auteur, rencontré chez Chantelivre le 25 novembre dernier, avoue avoir envoyé une pichenette à l’autofiction avec le choix de ce prénom, en écrivant ce roman imaginaire au contexte très réaliste. Ce personnage, dit l’auteur, c’est « l’Arabe de service », le type bien rangé, bien sage. Il est séparé de sa femme, père de famille et prof de latin à Henri-IV, on ne peut imaginer mieux intégré. Et voilà qu’un jour, dans le bus 96 qu’il emprunte chaque jour, lui apparaît le fantôme de Rachid Taha, qui lui demande par-dessus le marché d’annoncer au monde sa résurrection. Le chanteur – ou plutôt son fantôme – va ainsi l’accompagner au quotidien. Un quotidien qui offre plusieurs portes d’entrée au lecteur : la vie de prof, l’écriture inclusive, la paternité, les gilets jaunes, la double culture, un voyage scolaire à Auschwitz… Autant de thèmes et de rencontres que Mehdi Ouraoui traite dans une langue à la fois littéraire et orale, « à la fois populaire et élitiste », créant un feu d’artifice de style : accumulations, gradations, comparaisons, métaphores, jeux de sonorités, calembours, autant de figures de style au service des émotions multiples que nous procure cette lecture. On passe du rire aux larmes et des larmes au rire devant cette critique de notre société et on finit par se demander où veut en venir l’auteur quand la fin arrive sans prévenir et vous cueille la gorge serrée. On a alors envie de reprendre le livre à la lumière de cette fin bouleversante.

« C’est la Saint Valentin, Rachid saisit l’occasion de lâcher ce qu’il a sur le cœur, ou l’estomac : il n’est pas satisfait de notre relation Une relation asymétrique, selon lui. Il m’accompagne au travail, assiste à mes cours, à mes courses, à mes tâches ménagères, à mes repas, binge-watche des séries sur Netflix avec moi, et détourne même le regard quand je verse une larmichette (ce qui est assez fréquent).

Et en retour, quoi ? Je n’écris rien sur sa présence, ni évangile, ni journal de bord, ni observation scientifique, ni tables de la Loi, ni même une petite autofiction où il jouerait le personnage secondaire de mon nombrilisme.

Je ne filme rien de son extraordinaire présence, ne podcaste pas d’interview exclusive de lui ni ne le streame en direct sur un compte Insta (que je ne possède de toute façon pas). Quand même, je pourrais me montrer davantage à son écoute, plus concernés, m’intéresser à ses questionnements au lieu de le traiter comme un meuble.

Je tente une manœuvre de défense : après ces quelques semaines de vie commune, je peux dire sans ambages qu’à mes yeux il n’est pas un fantôme, mais mon fantôme. Lamentable échec. Loin de l’amadouer, c’est l’étincelle sur le baril de poudre. » (p. 61)

« J’ai soutenu mordicus le choix vol low cost. Moins incertain que la route, surtout en période de Gilets jaunes. Moins fatigant que trois mille bornes aller-retour pour les élèves. Vous n’y pensez pas, chers collègues, nos premières passent l’épreuve anticipée de français dans un mois. A Henri-IV, l’argument fonctionne toujours. S’informer sur la solution finale, OK, rater l’examen final, jamais. » (p. 131)

Mehdi OURAOUI, Mon fantôme, Fayard, 2023

« Est-ce que Norah, qui ne se blottit plus jamais contre moi, a aussi la chance de conserver, quelque part dans sa mémoire, la voix intacte, le parfum bouleversant de présence, l’image mentale précieusement archivée, d’un père doux et moelleux ? C’est une grande responsabilité d’être le souvenir de quelqu’un. » (p. 181)


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