Né affreusement laid, rejeté par son père, familier des cachots et héros de la République Mirabeau est un travailleur acharné et le meilleur orateur de sa génération. Et, même hideux et balafré, Mirabeau séduit toutes les femmes, principalement mariées.
De lui, son père, savant économiste physiocrate, disait qu’il avait l’instinct de la provocation dans le sang, cet enfant d’une laideur extrême – défiguré dès ses 3 ans par une petite vérole mal soignée – étant né « pour la honte de sa race ».
Emprisonné à multiples reprises par lettres de cachet émises par son père pour le soustraire à ses créanciers et son libertinage, il va trouver le grand amour en séduisant Sophie de Monnier, une femme mariée qui sera elle aussi emprisonnée pour adultère.
Prisonnier dès 1774 au château d’If, à l’ile de Ré, à Vincennes, à Joux, il en profite pour écrire avec acharnement et talent, des protestations contre de telles incarcérations sans procès qui signent le régime absolutiste. Il n’aura de cesse que de pourfendre ce système d’isolement, d’humiliation, de silence et de privation de liberté sans jugement ni décision de justice.
Bien entendu, chacun a en mémoire la phrase de Mirabeau, député du Tiers Etat et pourtant noble, le 23 juin quand il déclare « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes ».
Loris Chavanette explique le mécanisme fatal qui conduit à la révolte du 14 juillet et le rôle qu’y joue Mirabeau – qui n’y participe pas puisqu’il met en terre son père - en particulier ses adresses pour obtenir le retrait des troupes que la Cour a fait venir dans Paris dans le but non avoué est de dissoudre l’assemblée et qui rend fous les parisiens.
Le 8 juillet, il en appelle aux soldats français de ne pas obéir à leur hiérarchie si elle ordonnait de ne pas obéir à l’ordre de tirer sur la foule.
Le 15 juillet, le roi annonce qu’il a ordonné aux troupes de s’éloigner de Paris et de Versailles, mais la Cour n’est pas prête à abandonner ses prérogatives.
Le roi affirme qu’il a rassemblé les députés pour les consulter et non le contraindre mais ce n’est pas le projet de l’Assemblée qui tient sa légitimité du peuple.
L’Assemblée demande et obtient le renvoi des ministres réactionnaires et le rappel de Necker. Mirabeau affirme que le suffrage universel confère la suprématie du pouvoir législatif sur l’exécutif.
Mais c’est alors la coexistence de plusieurs légitimités antagonistes : celle, respectueuse, représentative de la procédure parlementaire, même si non dénuée de violence verbale et l’autre, celle de la rue, immixtion soudaine de la foule dans la vie politique, avec de surcroît, la légitimité du roi par héritage.
J’ai lu ce livre avec un grand intérêt à la découverte de la personnalité de cette figure célèbre de la Révolution française. J’y ai aussi trouvé de nombreuses correspondances avec la situation actuelle des démocraties modernes. L’auteur est manifestement enthousiaste devant la figure charismatique de son héros.
Je déplore cependant qu’il ne nous en dise pas plus sur la correspondance entre Mirabeau et la famille royale retrouvée dans l’Armoire de fer … hélas complètement escamotée en fin d’ouvrage.
Le 14 juillet de Mirabeau, la revanche du prisonnier, par Loris Chavanette, édité chez Tallandier – 396 p., 23,50€