Présenté en première mondiale à Venise une semaine avant la disparition de Jean-Luc Godard, le 13 septembre 2022, Godard, seul le cinéma passe en revue les moments marquants de la carrière foisonnante de l'auteur d'À bout de souffle pour mieux mettre en lumière l'homme qui se cachait derrière le mythe. Son engagement politique, ses prises de position radicales, sa volonté de ne jamais plaire, ses incessantes recherches formelles et narratives, son goût prononcé pour la technologie, etc. se retrouvent au fil des 100 minutes de ce documentaire passionnant qui a droit à une sortie dans quelques salles à compter du 15 décembre ( voir les horaires).
Le réalisateur, Cyril Leuthy, a déjà signé ou fait le montage de plusieurs portraits de célébrités, dont Jean-Pierre Melville, Cary Grant ou Jean Renoir. Il n'y a donc rien à redire sur son assemblage d'archives, de photos, d'extraits de films et d'entrevues, qui se distingue autant par sa fluidité que par sa clarté. Les entrevues de personnalités qui l'ont connu (Macha Meril, Marina Vlady, Romain Goupil, Julie Delpy, Daniel Cohn Bendit, Nathalie Baye, Hanna Schygulla, entre autres) apportent un éclairage intéressant sur la personnalité complexe et méconnue de JLG, tandis que le chapitrage chronologique permet bien de saisir les différentes périodes de cet homme qui a vécu quasiment toute sa vie en réclusion, et pour qui faire des films était le seul moyen de côtoyer ses semblables.
L'intérêt du film est de réussir à nous en apprendre davantage sur ce fer de lance de la Nouvelle Vaque déjà analysé en long et en large. En revenant notamment sur les rapports houleux qu'il a entretenus avec sa famille, ses exils à Grenoble et en Suisse, ses problèmes de communication, ses aphorismes devenus célèbres, ou son mépris des " professionnels de la profession " à qui il a sans cesse reproché leur manque d'audace.
Exhumant les failles de l'homme, tentant de percer sa psyché, Godard, seul le cinéma parvient à mettre en lumière les contours d'une oeuvre atypique, très personnelle et pour le moins indéfinissable, qui se compose de plusieurs coups de d'éclat admirables, mais aussi, il faut bien le dire, de nombreux essais aussi insondables qu'indigestes. On regrettera cependant la trop faible présence à l'écran d'Anne-Marie Miéville, compagne de Godard pendant 50 ans. Son apport (si elle avait consenti à le donner) aurait à n'en pas douter ajouté une dimension supplémentaire à ce film par ailleurs indispensable pour mieux comprendre ce génial déconstructeur du Septième art mondial.