Magazine Culture

Le mystère de la pietà

Par Carmenrob

Veiller sur elle. Quel livre ! Quel livre ! ai-je pensé à chaque pause de lecture ! Il y a longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi envoûtée, tant par les personnages, que par l'histoire ou l'atmosphère qui se dégage de la plume de Jean-Baptiste Andrea. Les personnages sont forts, complexes et attachants même s'ils nous font souvent grincer des dents. L'histoire est pleine de rebondissements. Mais l'atmosphère, c'est peut-être ce qui distingue ce roman et qui lui a valu de rafler, la même année, le Prix du roman FNAC et le prestigieux prix Goncourt. Une atmosphère à la fois lumineuse et voilée comme un paysage de Toscane.

mystère pietà

Michelangelo Vitaliani et Viola Orsini sont amis. Est-ce le bon mot ? Comment qualifier le lien entre ces deux êtres que tout sépare et que rien ne peut séparer ? D'entrée de jeu, on sait que Michelangelo qui se fait appeler Mimo, car il est petit, très très petit, a été un sculpteur célèbre et qu'il vit depuis 40 ans, à l'abri du monde, dans un monastère. On sait aussi que le monastère cache dans ses entrailles la dernière œuvre de Mimo, une pietà, une statue remarquable qui a fait scandale. Il se meurt et nous raconte son histoire. Sa rencontre avec Viola et le lien indéfectible - quoique houleux - qui les unira.

Mais n'en disons pas trop. Jean-Baptiste Andrea situe l'action dans un petit village, Pietra d'Alba, près de Turin, où règnent et se détestent deux familles : les Orsini et les Gambale. C'est juste après la Première Grande Guerre qui a pris l'aîné de la famille Orsini. Viola, la seule fille du clan, a la particularité de ne rien oublier de ce qu'elle a lu - et elle lit beaucoup ! Quant à Mimo, au moment de leur rencontre, il est apprenti sculpteur et quasi-esclave dans un atelier du village. Ils se voient pour la première fois dans un cimetière... le décor est planté. Je m'arrête, car j'ai peur de trop en dire - ou pas assez... ?

Écouter les morts était son passe-temps favori. Elle s'y adonnait, m'apprit-elle, depuis qu'elle s'était accidentellement endormie sur une tombe pendant l'enterrement d'une aïeule, quand elle avait cinq ans. Elle s'était réveillée, la tête pleine d'histoires qui ne lui appartenaient pas et qui, par conséquent, ne pouvaient lui avoir été soufflées que par en dessous. Possession démoniaque, avait décrété le prédécesseur de dom Anselmo à San Pietro delle Lacrime, dom Ascanio. Hystérie de l'enfant, avait diagnostiqué le médecin de Milan chez qui on l'avait conduite quelques semaines plus tard. Il avait recommandé des bains glacés. Si les bains glacés ne fonctionnaient pas, il faudrait envisager un traitement plus lourd. Après son premier bain glacé, Viola, qui n'était pas folle, avait affirmé être guérie. Et avait commencé à sortir la nuit, en dévalant la descente de pluie en grès qui passait à côté de sa chambre, à l'arrière de la maison. Elle s'allongeait sur les tombes, parfois au hasard, parfois parce qu'elle en avait connu l'occupant. De son propre aveu, plus aucun mort ne lui avait reparlé. Mais elle tenait à être là si, d'aventure, l'un d'eux éprouvait de nouveau le besoin de se confier. C'était sa façon de rendre service. Le soir où je l'avais prise pour un spectre, elle était venue s'allonger sur la sépulture de son frère. (p.102)

LAILA MAALOUF, dans La Presse, en parle beaucoup mieux que moi.

Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle, L'ICONOCLASTE, 2023, 580 pages


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Carmenrob 225 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines