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LEADERSHIP, Six études de stratégie mondiale par Henry Kissinger

Par Mpbernet

La question fondamentale posée par Kershaw est : l’histoire aurait-elle suivi un cours différent sans ces figures-là ?

Pour Kissinger, la focale est portée sur les talents de stratèges de ces personnages qu’il a lui-même rencontrés et avec certains desquels il a noué une véritable amitié.

Stratégie de l’humilité après la défaite de l’Allemagne hitlérienne pour Konrad Adenauer, de la volonté chez le leader de la France libre, stratégie de recherche d’équilibre dans un monde mouvant pour le président Nixon, de la transcendance pour Anouar El Sadate dans sa recherche de la paix avec Israël, de l’excellence pour le singapourien, de la conviction chez la Dame de Fer.

Henry Kissinger est mort à l’âge de 100 ans et c’est ici son dernier ouvrage. C’est donc naturellement un livre de mémoires, un plaidoyer pro domo qui évite d’évoquer certaines situations moins flamboyantes dans lesquelles ses éminentes responsabilités l’ont conduit à agir. Son témoignage des moments cruciaux des crises internationales est passionnant. Naturellement aussi, c’est une vision des rapports de forces à partir de la focale américaine et plus spécialement la menace nucléaire.

Des évolutions remarquables ont été introduites par ces leaders exceptionnels : la décision de Richard Nixon d’introduire la Chine dans le système westphalien - en la considérant comme un contrepoids et non comme un complément du bloc soviétique - a bouleversé le grand jeu diplomatique mondial.

Kissinger

Déjà en 1957, Adenauer mettait en doute la solidité de la garantie américaine de la défense en Europe. Pour de Gaulle, la politique n’est pas l’art du possible mais l’art du voulu : il refusait toute vision de l’OTAN qui placerait les forces françaises sous commandement international et toute vision de l’Europe qui dissoudrait l’identité française dans des institutions supranationales. Il doutait que l'Amérique puisse ou veuille garantir indéfiniment un engagement total vis-à-vis de la France, surtout au siècle des armes nucléaires.

Le rappel des conflits du Proche-Orient est particulièrement utile à la compréhension des développements actuels …

Les lecteurs français seront fiers de voir en quelle haute estime fut considéré le fondateur de la Cinquième république et comment De Gaulle était cité par Lee Kwan Yew comme l’un des rares hommes d’Etat – avec Churchill – qui ait dominé cette période troublée.

L’itinéraire de Margaret Thatcher est particulièrement bien décrit, sa fortitude devant l’adversité, son action de redressement de son pays comme la façon dont elle fut désavouée par son propre parti.

En guise de conclusion, Henry Kissinger déplore l’abandon du système des relations internationales datant du traité de Westphalie en 1648, qui consistait à attribuer à la souveraineté de chaque nation une valeur essentielle pour préserver la stabilité de leurs relations. Un cadre de référence qui a volé en éclats avec le développement des armes nucléaires puis des technologies plus récentes, encore plus dangereuses parce que plus faciles à manipuler et moins chères.

La question fondamentale est donc désormais : où sont les leaders d’aujourd’hui qui sachent transcender la conjoncture par la vision à long terme et le dévouement, des leaders sages qui anticipent les défis avant qu’ils ne se transforment en crises ?

Pas vraiment une vision optimiste …

NDLR : Henry Kissinger a été conseiller à la Sécurité nationale, puis secrétaire d'Etat sous Richard Nixon et Gerald Ford. Il a également conseillé de nombreux autres présidents américains sur la politique étrangère. Il a été lauréat du prix Nobel de la paix en 1973.

Leadership, Six études de stratégie mondiale – essai de Henry Kissinger, traduit de l’anglais par Odile Demange – édité chez Fayard, 537 p., 29


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