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Deborah Turbeville, la déréliction nouvelle esthétique de la mode

Publié le 14 janvier 2024 par Thierry Grizard @Artefields
Photographie

Deborah Turbeville a, dans années 1960, initié une nouvelle approche de la photographie de mode qui a été déterminante

Deborah Turbeville, déréliction nouvelle esthétique mode

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Deborah Turbeville, déréliction nouvelle esthétique mode
Deborah Turbeville, déréliction nouvelle esthétique mode

Deborah Turbeville et la photographie de mode

Deborah Turbeville a imposé au début des années 1960 une nouvelle approche de la photographie de mode, libérée, pour un temps, des canons esthétiques hyper sexualisés.

En effet, avant d'être un raz de marée mondiale envahissant tout l'environnement urbain, numérique ou journalistique la photographie de mode était un marché de niche, très académique et artisanal, réservé à un public restreint. L'ère des mass media a évidemment tout bousculé.
A partir des années 1950 la photographie de mode prend son essor imposant une image de la femme extrêmement codifiée.
Parmi les photographes qui dominaient cette scène aux dimensions mondiales on peut citer quelques grands noms connus de tout un chacun.

Deborah Turbeville est née le 6 juillet 1932 à Boston, Massachusetts. Elle a été élevée dans une famille aisée. Turbeville a étudié à la Radcliffe College de l'Université Harvard, où elle obtint un diplôme en histoire de l'art. Sa première incursion dans le monde de la mode fut en tant que mannequin.

Dans les années 1960, Turbeville entame une carrière dans le domaine de la photographie en tant qu'éditrice photo pour Harper's Bazaar. Dans ce cadre elle rencontre notamment Diane Arbus mais surtout Richard Avedon qui devint son mentor. C'est là qu'elle commence à forger un style distinctif, refusant les normes conventionnelles de la photographie de mode de l'époque. Elle introduit, en particulier, une esthétique sombre, baudelairienne, très inspirée du pictorialisme.

Dans ses travaux photographiques, les modèles, fréquemment très minces, voire maigres, sont saisis dans des poses de groupes et dans des environnements marqués par la décrépitude, la solitude, la mélancolie, une apparence légèrement maladive. Une trame narrative implicites sous-tend presque systématiquement la construction de l'image et les déclinaisons des séries qu'elles soient de commande ou personnelles.

C'est notamment le cas de la série The Bathhouse réalisée, en 1975, pour Vogue US. Les mannequins sont photographiés dans des bains public sales et dégradés. Les filles en bikini sont alanguies, ennuyées. Elles se "tiennent mal", vaguement avachies. Certaines adoptent des attitudes ambiguës aux connotations sexuelles, masturbatoires, lesbiennes, qui firent scandale à une époque où ce genre de représentation était parfaitement inconnue.

Le style pictorialiste aux flous oniriques et au grain exagéré est exploité jusqu'à l'extrême. Deborah Turbeville vieillit artificiellement les tirages, les détériore, superpose les calques. Tout est délabré, l'éclairage est sous-exposé, la mise au point imprécise. Le spleen atteint jusqu'à la texture du matériau photographique.

Dans ses recherches personnelles Turbeville pratiquera également le collage et les superpositions.

En produisant une image altérée de la mise en valeur du produit Deborah Turbeville initiera une nouvelle esthétique de la mode où le modèle ne fait plus "bonne figure", ignore l'appareil photo, où le maquillage lui-même accentue une forme de spleen glamour.

A tel point que plus le produit est haut de gamme plus le modèle semble mépriser le consommateur, signifiant qu'il faut mériter son attention pour accéder à ce dernier, et que le posséder c'est se démarquer.

Les sourires, rires et la bonne humeur pour les produits bas de gamme ou le tout-venant, une forme artificielle de condescendance pour le luxe.

Ce n'était d'ailleurs pas le propos de Déborah Turbeville qui souhaitait avant tout rompre avec la réification outrancière des images de mode. Les modèles de la photographe américaine reprennent en quelque sorte leur indépendance dans une narration qui leur est propre et, en effet, dans une forme d'introversion triste. C'est ce que les épigones ont principalement retenu.

En 1990, Deborah Turbeville élargit son champ artistique en se lançant dans la réalisation de films expérimentaux, explorant ainsi de nouveaux médias pour exprimer sa vision artistique. Elle publie également plusieurs livres monographiques, dont " Unseen Versailles," qui documente de manière subtile la déshérence du palais de Versailles.

Deborah Turbeville : série Unseen Versailles

Deborah Turbeville : photographie de mode (Vogue)

Exposition Deborah Turbeville au musée Elysée PhotoLes archives de Vogue

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