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Inverno

Publié le 15 janvier 2024 par Adtraviata
Inverno

Quatrième de couverture :

Répondant à un silence surgi d’un silence long de vingt ans, L. part avec son petit garçon retrouver Emmanuelle, l’amie qui fut le centre d’attraction de son enfance. Machine à remonter le temps, le train qui emmène la jeune femme et l’enfant vers la Bretagne réveille les souvenirs et l’oubli – secrets engloutis, non-dits et complexes de classe, trahisons d’amour, sortilèges d’un exil à Rome… – et dessine le destin de trois générations de femmes.

Roman historique de l’instant à la grâce inquiétante, Inverno effeuille les mystères de la mémoire et bouleverse la chronologie pour mieux saisir la vérité d’un soupir, la blessure d’un regard, le tressaillement d’un coeur.

Ce court roman (140 pages) est mystérieux : il commence par une adresse en « vous » qui évoque le retour dans le passé, l’appropriation de celui-ci. Ensuite c’est une scène de crime : un homme prostré se tient au bord d’un lit, près de la femme qu’il vient de tuer. Mais il ne s’agit pas du tout d’un roman policier, c’est une plongée entre passé et présent, dans la vie de deux amies d’enfance qui vont se retrouver après vingt ans « d’absence ». On comprend que L. a vécu à Rome, qu’elle a quitté son mari volage et sa solitude pour rentrer en France où elle habitera à Saint-Ouen. Son amie d’enfance Emmanuelle l’attend dans la presqu’île de Crozon. On découvre son enfance marquée par des visites furtives chez ses grands-parents maternels dans une villa la vallée de Chevreuse et surtout l’histoire de sa mère, élevée dans la grande bourgeoisie et qui, après un internat à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur, a voulu s’échapper de ce milieu et est tombée sous la coupe d’un homme plus âgé qu’elle.

C’est un roman de départs, de fuites, de jalousies, de rêves enfuis, de secrets et de déceptions et peut-être de renaissance. Beaucoup de non-dits aussi, d’entre-lignes où le lecteur doit se glisser, dans une écriture sobre et élégante. D’Hélène Frappat, j’ai lu il y a longtemps Lady Hunt, une réinvention du roman gothique où les souvenirs ont une large place comme dans Inverno. Pour être honnête, celui-ci ne ma laissera sans doute pas une grande empreinte mais c’est lié à son univers nébuleux entre passé et présent.

« Ainsi marchons-nous en exil, sur des trottoirs qui ne nous appartiennent pas, accompagnés par une foule indifférente et anonyme, regrettant le lieu où nous ne sommes pas, magnifiant les époques défuntes, à l’affût d’une étincelle de nostalgie qui, en auréolant les promesses non tenues du passé d’une lumière illusoire, plonge le présent qui n’existe déjà plus dans l’ombre. » (p. 49)

« Après leur rencontre à l’école primaire Michelet, L. avait enrôlé Emmanuelle dans un club de détectives. Les dimanches matin elles arpentaient les rues de Saint-Ouen en quête d’individus louches qu’elles prenaient en filature, passant des heures dissimulées dans une cage d’escalier, un local à poubelles, un garage. Aux yeux de L. n’importe quel visage inspirait le soupçon. Derrière une démarche et une vie banales, son amie entrevoyait des abîmes de secrets et de mensonges, et la vie de famille se transformait en tableau truqué, théâtre d’ombres, un jeu de dupe dominé en coulisses par des esprits criminels. » (p. 97-98)

« Désormais il faut sortir, céder la place à une nouvelle arrivante sans oser regarder son visage, ne pas se retourner sur le ballet des infirmières, des médecins, des aides-soignantes (dans vos habits civils, il ne vous reconnaissent pas), prendre l’ascenseur, signer un formulaire de sortie, franchir les portes battantes. Puis, lorsqu’on aura repris le cours d’une vie interrompu derrière les murs de l’hôpital, qu’il faudra faire à manger, le ménage, on se souviendra peut-être qu’on a abandonné pour toujours, dans les recoins impersonnels d’une chambre d’hôpital, la trace la plus secrète de soi. » (p. 112)

Hélène FRAPPAT, Inverno, Babel, 2014 (Actes Sud, 2011)

Ce court roman de 140 pages peu participer au challenge Bonnes Nouvelles chez Je lis je blogue.


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