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"Tropa de elite" : un an après le festival de Rio

Par Vierasouto

Ours d'or à Berlin 2008, José Padiha, sortie 3 septembre 2008


  Pitch
En 1997, la corruption est telle que la police n’intervient plus dans les favelas où les gangs, surarmés comme pour faire la guerre, contrôlent le narcotrafic. La visite prochaine du pape, ayant affiché son intention de dormir chez l’archevêque  de Rio dans une favela, conduit les autorités à faire appel au BOPE, bataillon d’élite de la police, pour nettoyer le terrain avant son arrivée. A la tête du BOPE, le capitaine Nascimento (Wagner Moura), lassé de risquer sa vie tous les jours, nage en plein conflit entre son métier et sa vie de famille…

Quand "Tropa de elite" a été présenté au dernier festival de Rio de Janeiro en septembre 2007, comme je suivais un peu ce festival, à distance… j'ai écrit un billet sur le film, sur les réactions qu'il a provoquées et sur son piratage massif au Brésil. En effet, 11 millions de brésiliens ont vu ce film sur des copies pirates avant sa sortie en salles... Devenu un véritable phénomène de société au Brésil, obtenant ensuite cet hiver l'Ours d'or au dernier festival de Berlin, un prix controversé qui étonna plus d'un critique ciné, j'en ai mesuré la portée en France à l'échelle de mon blog... Mon billet d'alors (octobre 2007), à lui seul, a aujourd'hui dépassé les 20 000 lectures, un record!!! Or, jusqu'à hier après-midi, je n'avais vu comme images du film à proprement parler que le trailer et quelques extraits sans sous-titres...
Dès le premier quart d'heure, on comprend pourquoi Berlin, pourquoi l'ours d'or, depuis "La Cité de Dieu", je n'avais rien vu d'aussi choc et d'ailleurs, le co-scénariste est le même (Braulio Montovani), avec une nuance de taille : cette fois-ci, l'univers de favelas et de ses gangs est vu du côté de la police. Pas celle corrompue, la police militaire sous-payée avec des salaires de misère, acculée à devenir des flics ripoux pour survivre décemment, mais celle du BOPE (Bataillon des opérations spéciales de police), une troupe d'élite de la police, des mercenaires, des missionnaires, surentraînés, surmotivés, employant les mêmes méthodes que les voyous pour nettoyer les favelas, pas mieux payés chaque mois mais animés d'une foi et d'une rage contre la corruption et le trafic, et surtout, considérés comme des surhommes, des super-héros.

photo TFM distribution


Le réalisateur du film, José Padilha, a travaillé à partir des 19 ans d'expérience de son premier scénariste Rodrigo Pimentel, officier de la police militaire pendant 12 ans et capitaine du BOPE les 7 années suivantes, dont on entend le récit en voix off. A l’époque, le BOPE comportait 120 hommes, aujourd’hui 400. Durant le stage de sélection du BOPE, sur une centaine de policiers stagiaires, seuls trois à cinq individus résistent à l’entraînement… Dans la seconde partie du film, on voit ce stage mené par Nascimento avant son départ, les hommes sont entraînés au delà de leurs limites physiques et mentales, malmenés, maltraités, découragés, conditionnés à tout supporter d’insupportable pour pénétrer ensuite sans peur dans une favela.

photo TFM distribution


Le capitaine Nascimento, chef du BOPE, n'en peut plus, épuisé physiquement et nerveusement, harcelé par son épouse enceinte, il voudrait raccrocher à la naissance de son fils mais qui le remplacera? Pendant ce temps deux recrues de choix, Neto et Matias, amis d'enfance, sont affectées dans un garage où on passe son temps à voler les pièces des voitures qu'on devrait réparer, la hiérarchie couvrant les magouilles... Neto, un homme d'action violent, agit avant de penser, Matias, un intello, pense trop et suit des cours de droit à la fac, la combinaison des deux hommes ferait le remplaçant idéal du capitaine Nascimento mais l'un sans l'autre? A la fac, Matias se lie d'amitié avec Maria et un groupe de bobos, jeunesse dorée carioca, généreuse, irresponsable, qui s'occupe d’une ONG dans la favela Babilonia. Implanter une ONG dans une favela suppose l'accord du caïd en place et la promesse de ne jamais faire venir la police. Matias, qui vit désormais une histoire d'amour avec Maria, ose moins que jamais révéler qu'il appartient à la police militaire et emboîte le pas du groupe. Un des membres bobos de l’ONG en profite pour faire du trafic avec Baiano, le caïd de la favela, qui l'approvisionne régulièrement en drogue pour la revendre à la fac. Car, tous fument des joints sauf Matias, conscient qu'en achetant de la drogue dans une favela, ils participent au narcotrafic et financent l'armement des gangs que la police est censée combattre, moins bien armée qu'eux...

photo TFM distribution


Sur la forme, le film est magnifique, un film choc sur une BO rock brésilien (un peu genre Lenine) avec un rythme d’enfer qui faiblira néanmoins dans la seconde partie du film, plus diluée et explicative, plus documentaire au sens classique du mot. Pendant une heure, des images saccadées, rapides, comme tournées dans l'urgence, quelquefois stroboscopées, la caméra placée partout, dans l'action, au dessus, au dessous, balayant l'écran. On démarre sur un bal funky dans la favela Babilonia, où le BOPE est sur le point d’intervenir lors d’un échange d’argent entre truands et policiers corrompus ; le bal filmé avant la fusillade, comme vu d'avion, une foule colorée, tassée, collée, se trémoussant sur cette piste de danse en béton à flanc de colline (à Rio, les favellas sont toutes installées sur les morros, les collines, terrains incontructibles, situées au coeur de la ville, jouxtant les quartiers riches)... Générique rock et flash-back six mois plus tôt...

photo TFM distribution


Sur le fond, lors de sa présentation au festival de Rio de Janeiro 2007***, la presse brésilienne a tout de suite perçu le risque d'apologie du justicier, représenté par le capitaine Nascimento (Wagner Moura), superhéros que le public brésilien plébiscitera comme il approuve dans les sondages les descentes de police du BOPE dans les favelas en fermant les yeux sur les méthodes utilisées, les mêmes que celles des voyous qu’ils combattent, notamment la torture (nombreuses scènes dures avec des sacs en plastique sur la tête des suspects...). Pourtant, le réalisateur affirme dans une interview ne pas prendre parti, avoir fait un film pour engager la réflexion, initier de débat. Hors champ, il donne des chiffres : dans le rapport 2006 sur la situation des droits de l’homme au Brésil, on estimait à 3000 le nombre de personnes tuées par la police de l’état de Rio de Janeiro…

Plus d'infos sur ce film


vidéos et extrait de la BO sur le site officiel brésilien du film...
*** Le prochain festival de Rio de janeiro aura lieu du 25 septembre au 9 octobre 2008, voir le site officiel du festival...
Lire mon premier billet (octobre 2007) sur le film...

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