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Contes du Sénégal, El Hadji Leeboon, Sophie Le Hiré

Par Gangoueus @lareus
Contes Sénégal, Hadji Leeboon, Sophie Hiré

Une lecture, entre un oncle et sa nièce

J'ai proposé plusieurs ouvrages à ma nièce et j'ai découvert un intérêt réel pour la lecture d'une part à son niveau mais surtout une capacité d'analyse et de restitution qui illustre une lecture attentive. J'aime souvent pour les ouvrages "jeunesse" m'appuyer sur le commentaire d'un enfant pour que ma lecture ne soit pas trop décalée de la cible visée par les auteurs. Dans le cadre de cet article nous revisitons des Contes du Sénégal racontés par El Hadji Leeboon, illustrés par Sophie Le Hiré. 

Histoire de Oz.

Je retranscris les propos de ma nièce :

C’est un chien de type lévrier qui a l'interdiction de sortir de la résidence de maîtresse. Il brave cette interdit parce qu’il a entendu un aboiement bizarre d’un chien. Il transgresse l’interdit et se retrouve dans la mangrove. Il est sorti sans que le gardien ne le voit et sans l’avis de sa maîtresse. Il découvre un chacal entrain de s’enfoncer dans les sables mouvants de la mangrove. Oz se moque. Le chacal réagit mal au rire du chien Oz. Ils échangent :

"Comment t’appelles-tu ? Chacal. Les canards s’appellent canards. Les chacals s’appellent chacal."


Le chacal explique qu’il vit en liberté.


A-t-il une gamelle pleine  ? demande le chien. Le chacal lui répond qu’il ne vit pas avec les humains et qu’il a tendance à les fuir. Suite aux appels incessants de sa maîtresse, le chien Oz repart dans sa demeure en promettant au chacal de venir vivre dans son espace de liberté;


Ceci est le premier retour de ma nièce qui a neuf ans. La restitution est très intéressante et surtout particulièrement précise. J’ai réalisé l’interview une semaine après lui avoir remis le livre. L’exercice est intimidant, mais au final tout se passe bien. Je découvre une très bonne lectrice, accompagnée par sa maman. 

A la question :”Quelle est la morale de l’histoire ?”, elle répond que chacun a ses espaces qu’il préfère.


L'Histoire d’Oz est tirée de l’ouvrage illustré Contes du Sénégal publié aux éditions Saaraba, du groupe Editis. J’aime ce moment que je vis avec ma nièce. Son analyse subtile est moins orientée que la mienne qui y voit une ode à la liberté et une opposition symbolique entre le nègre de maison et le nègre des champs ou mieux le nègre marron. Les schémas de l'esclavage auquel nous renvoie ce dialogue entre un animal domestiqué et un animal sauvage sont quelque peu évidents. L’un a une pitance quotidienne à sa disposition qui le satisfait. L’autre vit les réalités de la vie sauvage. Je me dis en écoutant ma nièce que j'ai une lecture très militante. Mais cela signifie aussi qu'une double lecture est possible.


La jeune lectrice souligne que l’histoire lui a paru ennuyante et simpliste. En gros dit-elle “c’est le parcours d’un chien qui sort de chez lui, rencontre quelqu’un, et revient chez lui”. On est dans un rond-point (note de l'oncle). Elle propose un scénario alternatif : “Un chien s’échappe de chez lui, se fait traquer par un animal féroce, rentre chez lui et décide de ne plus s’aventurer hors de la maison de sa maîtresse sans être accompagné”. Donc, il y a d’abord la restitution attendue et le point de vue réel de l’enfant qui dans le fond est la vraie critique du travail des auteurs.  Cette remarque arrive lorsque je lui demande son appréciation du travail d’illustration, plutôt satisfaisant de son point de vue.


Baara et Badou.

Une histoire de deux amis inséparables. On les a jamais vus l’un sans l’autre au village. Ils ont une période d’initiation auprès d’un vieux singe. Au bout de sept ans, le vieux singe indique qu’ils auront des récompenses différentes après cette initiation en raison des attitudes comportementales respectives de Badou et Baara. Malgré l’amitié entre ces adolescents l’initiation révèlent le fond de chacun, sain pour Badou, envieux et individualiste pour Baara. Je retranscris un peu plus à ma manière la restitution de ma nièce. Quand je lui pose la question de savoir si elle a aimé cette histoire, son adhésion est immédiate et elle me dit rapidement sa perception de la morale de l’histoire, à savoir qu'il ne faut pas être méchant avec les autres sinon cela finit par nous retomber dessus. Je suis touché par le point de vue de ma nièce et l’écho en elle de ce texte illustré.

Regards croisés de l'oncle avec sa nièce.

Je n’ai pas souhaité détailler avec ma nièce toutes les différentes histoires contées dans cet ouvrage. C'est l'occasion pour moi qu'elle et moi, comme sa maman d'ailleurs, nous avons un intérêt commun pour la lecture. Je complèterai nos regards sur ses contes par un aspect technologique : cette lecture est augmentée par la voix du conteur. A chaque histoire, le lecteur a droit à un QR code qui, scanné avec un bon téléphone, donne l’accès à un fichier audio du conte spécifique narré par El Hadj Leeboon que j’ai trouvé excellent dans l’exercice. C'est un plus considérable. Je constate aussi que la plupart des contes sont accessibles et ils ne sont pas trop lourds sur le plan des croyances transmises. Je le dis à dessein. Je constate que les ouvrages de littérature jeunesse africaine en langue française porte une charge parfois très oppressante dans la manière de décrire souvent des croyances animistes. Il y a un côté Nguema Ndong avec souvent des créatures impressionnantes et lourdes pour des livres jeunesse que je trouve dommageables et qui oblige les parents à regarder de près ce qu’ils offrent à leurs mômes. Ici, ce n'est pas le cas. Je suis  plutôt emballé par la proposition des éditions Saaraba, avec ces contes du Sénégal. Nous reviendrons prochainement avec un autre livre que ma nièce a lu.

Contes du Sénégal, ElHadji Leeboon, illustration Sophie Le HiréEditions Saaraba, 2023

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