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Est-ce ainsi que les hommes vivent ... (Ferré et Aragon, 1961)

Par Mpbernet

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Tout est affaire de décor, changer de lit, changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore, moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles où j'ai cru trouver un pays.
Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd, le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours ? Que faut-il faire de mes nuits ?
Je n'avais amour, ni demeure, nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur, je m'endormais comme le bruit

 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers, au loin, les suivent

 

C'était un temps déraisonnable, on avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable, on prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule, la pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle, c'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier Hohenzollern, entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d'hirondelle sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle dans les hoquets du pianola

 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers, au loin, les suivent

 

Le ciel était gris de nuages, il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre, leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître du Rainer Maria Rilke
Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche, elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence qui n'en est jamais revenu

 

Léo Ferré

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers, au loin, les suivent

 

Il est d'autres soldats en ville et la nuit, montent les civils
Remets du Rimmel à tes cils, Lola, qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur, ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur, un dragon plongea son couteau

 

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers, au loin, les suivent

comme des soleils révolus.

Et aussi : L'affiche rouge par Feu!Chatterton https://www.youtube.com/watch?v=z1DaJogllx8


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