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Hania Rani so far : 2019-2023

Publié le 25 février 2024 par Heepro Music @heepro
Hania Rani 2019-2023

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Alors qu’elle continue de composer et composer, petit retour sur la discographie – incomplète, puisqu’elle a créé toute la bande originale d’une série, The Lost Flowers Of Alice Hart, et que je ne l’ai pas encore écoutée – de la fabuleuse jeune pianiste polonaise.

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Hania Rani 2019-2023

Hania Rani est une artiste polonaise qui partage sa vie entre Varsovie – sa maison – et Berlin – où elle a étudié et retourne encore pour travailler. Elle cite volontiers des influences classiques, de Chopin à Chostakovitch en passant par des artistes plus contemporains tels Miles Davis ou Radiohead.

Elle se veut avant tout une artiste, pas uniquement une pianiste. En effet, elle chante, joue des instruments à cordes ou compose de la musique électronique. Certes, Esja, son tout premier album, est une œuvre essentiellement vouée au piano, et, cette première œuvre, elle l’a enregistrée chez elle, à Varsovie, ainsi que dans le studio de son ami Bergur Þórisson à Reykjavik – ce qui luce qui lui a permis de jouer sur le piano d’Ólafur Arnalds la pièce « Today it came ».

Inutile de chercher loin l’inspiration première des morceaux : l’Allemagne, l’Islande, ainsi que les montagnes polonaises de Bieszczady servent de scènes à un univers extrêmement personnelle dans lequel Hania se montre pour la première fois seule, telle qu’elle est, ni plus, ni moins. Toutes les pièces ont été composées entre décembre 2015 et septembre 2017, principalement à Berlin et Varsovie, mais aussi à Reykjavik donc.

D’ailleurs, étonnamment, Hania concède que l’idée de faire un premier album lui est venue presque par hasard (le hasard existe-t-il seulement ?) alors qu’elle s’est mise à écrire instantanément des chansons dans le studio de Reykjavik, et elles peuvent donc être considérer comme des improvisations. C’est ainsi qu’elle a décidé de publier un album de piano, l’instrument qui est aux racines de son identité musicale. Pour autant, elle prévient : il ne s’agit là que du prélude à toute la musique qu’elle souhaiterait partager plus tard.

Les premiers instants d’Esja m’avaient presque fait penser à Screws de Nils Frahm, pour le côté très épuré des compositions, mais je pencherais aussi vers une Poppy Ackroyd car, pour autant, il se dégage aussi une certaine profondeur que ne cherchait pas le pianiste allemand, alors blessé au pouce. Mais, à l’inverse de la pianiste anglaise, dont le dernier album est très orchestrale, Hania Rani parvient à créer une musique très délicate sans jamais utiliser d’autre recours que le piano – qui demeurera mon instrument fétiche tant que des artistes comme Hania Rani viendront me faire vibrer.

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Hania Rani 2019-2023

Esja me tourne toujours autour et, cependant, je ne l’ai assurément pas encore apprivoisé comme il le mérite. Quelque chose m’en éloigne encore, un an après sa sortie. Pourtant, à chaque écoute, il me berce ou me percute avec une aisance incroyable pour un tout premier album.

Et voilà que, déjà, la pianiste lui donne une suite, comme pour me dire que je dois en fait tout simplement trouver une clef à Esja. Aussi Home n’est-il pas juste un nouvel album, mais bel et bien une continuité, un compagnon, un double d’Esja. Des œuvres jumelles, mais pas identiques pour autant.

En effet, difficile de ne pas immédiatement être éblouis d’y entendre… la voix d’Hania Rani, quelle belle surprise ! L’artiste polonaise déclare d’ailleurs que Home serait en fait la fin d’un livre commencé l’an passé, et que sa prochaine œuvre nous contera alors une toute nouvelle histoire.

Concernant le titre choisi, elle nous dit qu’il s’agit de cette maison que l’on peut trouver en nous-mêmes, quelle que soit l’instabilité de nos vies – et peu importe où nous allons, que fassions le tour du monde : l’important est d’être capables de voir et sentir les choses qui se passent autour de nous.

Si son premier album était, selon ses propres mots, une œuvre faite de piano et de silence, à l’inverse, Home déploie une palette bien plus large encore pour Hania qui, réellement, trouve une place d’artiste complète et également de productrice en incorporant d’autres instruments (cordes, basse, batterie, synthé), des éléments électroniques ou samplés et, donc, sa voix – dont elle nous dit qu’il s’agit plutôt d’un autre instrument à ses yeux.

Une seconde fois, je me sens à la fois charmé et désarmé… Je ne sais pas où je suis, ni vraiment ce que je ressens. Comme l’an passé, je devine déjà, je le ressens même, que je vais devoir me plonger corps et âmes pour percer l’univers d’Hania Rani – et c’est assurément un compliment, car il est rare que les artistes qui m’ont le plus touché se soit révélé aisément.

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Hania Rani 2019-2023

« Je suis très heureuse de voir que de nombreux artistes considèrent ma musique comme la bande sonore adéquate pour leurs œuvres, parce que la musique de films a toujours été une énorme inspiration pour chacune de mes compositions. J’y trouve beaucoup de vie et d’émotions réelles, mais aussi un sentiment de liberté. La liberté de mes propres modèles et préjugés de pensée. Je crois aussi fortement en la collaboration entre les gens. Je ressens toujours que c’est la façon de créer quelque chose de réellement nouveau, basé sur un mélange de différentes façons de penser, de ressentir, d’exprimer. »

Après ses deux premiers albums Esja et Home, la pianiste Hania Rani nous offre cette année une sélection personnelle de morceaux qu’elle a composés pour des films ou des pièces de théâtre toutes réalisées en 2020 (à une exception, remontant à 2018).

Aussi Music For Film And Theatre est-elle une compilation de compositions qui n’ont finalement pas toutes été choisies pour les projets auxquels elles étaient prédestinées mais que l’artiste polonaise affectionne pourtant beaucoup, qu’elles aient été utilisées ou alors gardées secrètement dans un tiroir.

L’ensemble a été enregistré à Varsovie, sa ville de cœur, où elle avait déjà enregistré une grande partie des morceaux de ses deux précédents albums. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis beaucoup plus touché par ces nouvelles musiques que tout ce qu’elle avait pu nous faire découvrir avant. Aurais-je enfin la naïveté nécessaire pour être atteint pleinement par sa mélancolie sans ressentir de tristesse profonde ? Apparemment, oui.

Pour moi, Hania Rani m’a offert son plus bel album à ce jour.

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Hania Rani 2019-2023

Hania Rani continue de publier de la musique qu’elle compose elle-même, que ce soit pour ses albums personnels (Esja, Home et, dans quelques semaines, Ghosts), ou pour des œuvres qu’elle accompagne alors (souvenez-vous de sa compilation Music For Film And Theatre), comme c’est le cas ici avec On Giacometti. La pianiste polonaise nous explique tout cela en détail…

Il s’agit de la musique d’un film documentaire sur le peintre et sculpteur suisse, dont elle nous dit être admiratrice depuis longtemps, et sa famille. Suite à un échange avec la réalisatrice Susanna Fanzun, Hania Rani décida d’aller vivre quelques mois dans les Alpes suisses, non loin de là où Alberto Giacometti était né. C’était en plein cœur de l’hiver, et au beau milieu de la glace et de la neige, dans une vallée où le soleil passait peu durant la journée, mais, dans son studio, éloignée de tout ce qu’elle connaissait alors, elle le vécut tout de même très bien.

Hania Rani confie qu’elle trouve ses nouvelles compositions proches de ce qu’elle avait pu nous livrer avec son tout premier album Esja, qu’elle avait justement composé dans un endroit plutôt froid également, l’Islande. Elle l’a essentiellement créé en improvisant des mélodies, avec des harmonies simples, des silences. Elle ne quittera les montagnes alpines qu’à l’arrivée du printemps, avec la fonte des glaces et de la neige.

Les treize morceaux de On Giacometti font partie de la bande originale de I Giacometti (à lire non en anglais mais en italien : Les Giacometti) et sont aussi beaux et froids que des montagnes devant nos yeux ? On les sent proches, et lointaines à la fois. Rassurantes, et effrayantes malgré tout. Ce vide, ce silence, nous enveloppe aussi chaleureusement qu’il nous surprend, nous autres, habitués au tumulte du quotidien, citadins où que nous soyons car happés par les grandes villes et leur agitation de ruche d’abeilles en permanence butineuses.

Notez le violoncelle de Dobrawa Czocher sur « Allegra » et « In between ».

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Hania Rani 2019-2023

Hania Rani a déjà publié un joli petit nombre de disques, EPs et singles, mais c’est déjà son troisième album studio. Car les deux premiers, Esja et Home, remontent à 2019 et 2020, il n’y a donc pas si longtemps que cela. Ensuite, entre autres choses, elle nous avait offert des musiques composées pour accompagner d’autres œuvres, Music For Film And Theatre en 2021, et On Giacometti il y a quelques mois à peine.

Comme annoncé, elle est entourée du chanteur (il joue également du piano) Patrick Watson, du pianiste Ólafur Arnalds, du batteur Duncan Bellamy (que nous connaissons tous grâce à son groupe Portico Quartet), du bassiste et joueur de Moog Ziemovit Klimek, qui était déjà présent sur Home, et, comme sur On Giacometti, de la violoncelliste Dobrawa Czocher.

Côté inspirations, la première que j’ai remarquée est flatteuse : Nils Frahm ! Mais Hania Rani cite aussi parmi ses artistes favoris, dont les invités font partis bien entendu : Enya, The Smile, James Blake, Stina Nordenstam, Keith Jarrett, Kate Bush et, surtout, Pink Floyd ! Pour ce qui est de ce qui a influencé, en partie, les paroles, impossible de ne pas mentionner les deux mois qu’elle a passé dans les Alpes suisses à l’occasion de la composition de On Giacometti.

Ghosts doit être écouté comme un concert, d’où sa durée de près de 70 minutes, pour la simple et bonne raison que l’artiste dit l’avoir créé ainsi, comme s’il s’agissait d’une performance live. Et les fantômes ont aussi et surtout cette connotation qui nous place entre la vie et la mort, et c’est cet espace intermédiaire qui intéressait l’artiste polonaise.

Conclure que Ghosts est hanté de toute part serait aussi facile qu’indiscutable. Néanmoins, je préfère terminer en disant que c’est un album, plus que toute autre chose, habité – et Hania Rani est devenue en quelques années seulement une pianiste incontournable et une artiste inimitable : en somme, une référence.

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Hania Rani 2019-2023

(in Heepro Music, le 25/02/2024)

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