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[critique] la zone d’intérêt

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[critique] zone d’intérêt

Titre original : The Zone of Interest

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Origines : Royaume-Uni/Pologne/États-Unis

Réalisateur : Jonathan Glazer

Distribution : Christian Friedel, Sandra Hüller, Ralph Herforth, Daniel Holzberg, Sascha Maaz...

Genre : Drame/Adaptation

Durée : 1h45

Date de sortie : 31 janvier 2024

Le Pitch :

Le commandant SS Rudolf Höss vit avec sa famille dans une belle et grande maison située contre les murailles du camp d'extermination d'Auschwitz, dont il est le dirigeant. Une famille indifférente à la souffrance extrême des millions de personnes, qui jour après jour, sont conduites à la mort, à quelques mètres du beau jardin fleuri qui fait sa fierté. Histoire vraie...

La Critique de La Zone d'intérêt :

Réalisateur britannique, remarqué avec le troublant Birth puis consacré grâce au traumatisant Under the Skin, Jonathan Glazer revient là où on ne l'attendait pas vraiment, aux commandes d'un film sur la Shoah. Un film tourné en allemand, qui adapte un segment de la vie de l'un des plus zélés lieutenants d'Himmler, à savoir Rudolph Höss. Un homme directement responsable de la mort de plusieurs centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale...

Indifférence face à la mort

Pour ce faire, Jonathan Glazer a commandé la construction d'une véritable maison, aux abords du camp d'Auschwitz, qui est aujourd'hui ouvert au public. Dans le camp où sa caméra ne pénètre d'ailleurs jamais, préférant se cantonner à la propriété de Rudolph Höss, ce père de famille et époux aimant, très attaché à son chien et à ses petites habitudes, qui tous les matins, se rend au travail à dos de cheval pour imaginer des solutions encore plus efficaces afin de répondre au souhait d'Hitler d'éradiquer de la surface de la planète toutes les personnes juives.

[critique] zone d’intérêt

En dehors des limites du camp de la mort

L'approche de Jonathan Glazer, qui s'appuie donc sur le livre de Martin Amis, se démarque par son originalité. Conscient que de nombreux autres réalisateurs ont abordé avant lui la thématique de la Shoah, comme par exemple Alan Resnais avec Nuit et Brouillard, Claude Lanzmann, avec le documentaire Shoah ou encore bien sûr Steven Spielberg avec La Liste de Schindler, Jonathan Glazer choisit de privilégier la suggestion à la démonstration. Jamais il ne montre les Juifs descendre du train pour ensuite être conduits à la mort. Jamais il ne filme les conditions atroces de détention de ces derniers dans le camp d'Auschwitz, le plus célèbre des camps d'extermination nazis, et jamais il ne met en scène Rudolph Höss, le personnage principal, en train de " faire son travail ".

À la place, il reste cantonné à la maison de Höss. Il filme ses enfants en train de jouer et sa femme qui fait l'étalage de ses richesses face à ses invités. Les après-midis piscine, les séances de jardinage. Les rires et les amusements innocents des plus jeunes. Une famille en apparence comme les autres avec un père aimant, une mère aimante et des enfants aimants. L'horreur intervient néanmoins rapidement. Dans l'ambiance sonore tout d'abord. Alors que les Höss mènent leur vie, les cris de souffrance qui proviennent de l'autre côté du mur, de jour comme de nuit, les coups de feu, les ordres aboyés par les gardes...

Il y a aussi cette scène, écœurante, dans laquelle un prisonnier apporte des vêtements confisqués aux nouveaux arrivants d'Auschwitz afin que madame Höss puisse en profiter. Les dents en or que les enfants observent avant de dormir, dans leur lit situé à quelques mètres des fours crématoires. La pluie de cendre qui vient rappeler que les méthodes imaginées par le commandant sont redoutables d'efficacité. Le fleuve souillé par la mort, omniprésente mais pourtant ignorée par ceux qui approuvent la solution finale d'Hitler... L'horreur, l'indicible... La Zone d'intérêt parvient à traduire l'atrocité d'Auschwitz sans jamais montrer une seule image de violence directe. Un parti-pris audacieux donc, qui permet finalement au film de se montrer aussi éloquent et aussi impitoyable que les références citées plus haut. Ce que Steven Spielberg lui-même n'a d'ailleurs pas manqué de souligner.

L'ignominie en plein jour

Paradoxalement, La Zone d'intérêt est baigné de soleil. Dès la première scène, qui voit les Höss profiter d'un après-midi baignade. Glazer a refusé d'utiliser la lumière artificielle pour éviter de styliser son film qui alors, illustre l'horreur de l'Holocauste avec une froideur qui ne manque pas très rapidement de toucher en plein cœur. Il ne tombe pas non plus dans les clichés. Höss est un homme froid mais pas tant que cela. Il rigole avec sa femme et ses enfants et vu qu'on ne le voit jamais directement tuer des gens ou rabaisser des prisonniers, son humanité n'est que plus évidente. Et c'est tout compte fait le propos central du long-métrage : les monstres ne sont pas tapis dans l'ombre. Les vrais, ceux qui sont capables des plus grandes atrocités, avancent à découvert.

Ils sont comme tout le monde mais peuvent rester sourds à la souffrance, nourrir des idéologies malsaines, imaginer le pire avec le sourire et tirer profit de la mort. Parfaitement conscient de ce qu'il accomplit chaque jour, Rudolph Höss est l'illustration parfaite du Mal. Un mal au centre d'un film traumatisant, marquant, remarquablement exécuté et écrit, qui s'impose sans forcer comme un classique instantané et devrait en cela être projeté le plus largement possible, y compris dans les écoles. Un film qui en plus, sait se montrer parfaitement efficace. En moins d'1h50, Jonathan Glazer tape fort. Y compris à la fin, avec une ultime séquence qui, sans un mot, dit le principal.

Glazer évite en cela d'expliquer ce qui est advenu d'Höss après la libération des camps, nous laissant faire nos propres recherches. Recherches qui permettent d'apprendre que cet être abject et lâche s'est caché pendant un an après la défaite des Nazis avant d'être dénoncé par sa propre épouse pour finalement être pendu à Auschwitz, où il a lui-même donné la mort à plusieurs centaines de milliers de Juifs.

En Bref...Authentique choc cinématographique, La Zone d'Intérêt prend le contre-pied de tous les autres films sur l'Holocauste et sait toucher en plein cœur grâce à son approche. Un film formellement très abouti, d'une sobriété exemplaire, aussi dur qu'indispensable.@ Gilles Rolland
[critique] zone d’intérêt

Par Gilles Rolland le 29 février 2024

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