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"Le château des insensé" de Paola Pigani

Par Cassiopea
château insensé

Le château des insensés
Auteur : Paola Pigani
Éditions : Liana Levi (7 Mars 2024)
ISBN : 979-1034908783
290 pages

Quatrième de couverture

« Jeanne tout court, sans nom de jeune fille, sans nom d’épouse. Jeanne sans état civil ni sac à main.» C’est ainsi que se présente cette frêle jeune femme à sa descente du « train des fous » en septembre 1939. Internée après la mort de son nouveau-né, elle a été transférée à Saint-Alban avec les autres patients. Dans ce château, une ambitieuse équipe de psychiatres met en place de nouvelles pratiques thérapeutiques. Dans une communauté atypique, que chapeaute la diligente mère supérieure, une nouvelle voie s’ouvre à chacun. Au contact des autres, Jeanne va renaître lentement à la vie et à elle-même.

Mon avis

Ils avancent avec vous, même s’ils ne suivent pas les lignes. Ils écrivent leur histoire avec les moyens du bord. 

Ce roman, inspiré de faits réels, est très intéressant. L’auteur est d’une infinie délicatesse avec ses personnages et en plus, elle parle de Paul Éluard, mon poète préféré.

On est en 1939, le bébé de Jeanne est décédé à la naissance. Elle a complètement perdu pied, on peut même considérer qu’elle est devenue folle de douleur. Son mari ne sait plus comment se comporter face à sa souffrance extrême, son attitude irrationnelle, sa perte de repères. Il n’y a, malheureusement, qu’une solution, la faire interner. À l’époque, on parle d’asile, pas d’hôpital ou de clinique pour les personnes qui ne « rentrent » pas dans la norme. C’est violent ce mot « asile » et c’est violent ce qu’on y vit dans les soins, les échanges, l’accueil, l’hébergement.

Et puis, un jour, Jeanne est transférée, avec d’autres patients, car il faut évacuer certains lieux, les allemands ne sont pas loin….Elle part en train, direction Saint-Alban les Eaux. Son époux lui est mobilisé pour faire la guerre. De toute façon, ces deux-là ne savent plus comment se parler, comment se toucher, comment se regarder…. Alors, qu’elle reste ici ou qu’elle aille là-bas, il ne pourra pas lui rendre visite dans l’immédiat ….

Jeanne suit le mouvement, elle n’en pouvait plus des cris, des hurlements, du froid, des bains thérapeutiques, des traitements durs, alors s’éloigner et vivre ailleurs, pourquoi pas ? Arrivée à Saint-Alban, en Lozère, elle se tait, elle observe, elle lâche quelques phrases : « Je ne sais plus vivre … Il m’attend. »

Éluard aurait écrit « Et par le pouvoir d’un mot », mais pour Jeanne, c’est « Et par le pouvoir d’une rencontre ». Il suffit de peu parfois, pour avancer un pas après l’autre … Jeanne croise d’autres « malades », des religieuses qui gèrent le lieu, des médecins, dont le docteur Tosquelles (qui a existé et révolutionné l’approche des maladies psychiatriques). Cet homme ouvre sa clinique sur l’extérieur, entre en lien avec les gens du village qui ne voient plus les malades comme des fous étranges mais comme des êtres humains.

Cette façon de faire profite à Jeanne qui, petit à petit, s’apaise, se pose, s’ouvre, refleurit, comme une plante qui a été privée de lumière et qui retrouve le soleil. Cette lente évolution est décrite avec minutie, amour, tendresse.

Ce récit est magnifique, entrecoupé de quelques pages où l’on découvre le journal intime d’une religieuse qui partage ses réflexions et ses ressentis. Le médecin et son équipe suivent les patients, les accompagne, les encadre, les aide, les soutient. Alors, il a des résultats encourageants, positifs.

Paola Pigani a une écriture poétique, lumineuse, mettant l’être humain au centre des préoccupations des soignants, au coeur de son texte, pour lui donner une place essentielle. J’ai bien sûr, beaucoup aimé qu’elle glisse l’arrivée de Paul Éluard et de sa compagne au Château, qu’elle parle du poème Liberté qui est celui qui, à dix ans, m’a fait aimer la poésie.

En mêlant fiction et réalité, elle a rendu hommage aux souffrants, à ceux qui les soigne. Elle célèbre la vie. Elle nous éclaire sur un pan d’histoire qu’on ne connaît pas forcément et son livre vaut vraiment le détour.



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