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Le Blé en herbe

Publié le 22 mars 2024 par Adtraviata
herbe

Quatrième de couverture :

Phil, 16 ans, et Vinca, 15 ans, amis de toujours, passent leurs étés en Bretagne. Tout naturellement, l’amour s’installe entre ces deux complices inséparables, un amour qui grandit plus vite qu’eux.
Cet été-là, Vinca et Phil découvrent leurs différences et leurs incompréhensions. Ces amours adolescentes révèlent à Vinca et à Phil ce qu’ils sont désormais et ne seront jamais plus. Et ces vacances s’achèvent sur un adieu à l’enfance, amer et nostalgique.
Avec délicatesse, Colette excelle à évoquer l’éveil de la sensualité, la douloureuse initiation à l’amour et à la vie.

Phil et Vinca sont à un âge qu’à l’époque on n’appelait sans doute pas encore adolescence mais qui les tourmente par leur impatience à devenir adulte, par leur difficulté à mettre des mots sur les sentiments et les émois qui les emportent. En vacances en Bretagne, entre Cancale et Saint-Malo, Colette nous dépeint l’avancée de l’été, la fuite des jours d’enfance qui ne reviendront jamais : sa plume synesthésique ressemble à la palette d’un peintre avec les mille nuances de la lumière sur la mer et les teintes de bleu des yeux de Vinca, la Pervenche bien nommée. Elle excelle à suggérer les plaisirs de la chair dans l’initiation secrète de Phil par madame Dalleray tandis que Vinca, dupe de rien, tient bon et patiente. C’est la seule adulte qui porte un nom, les autres, les parents, sont tellement enfermés dans la bienséance familiale que les jeunes les appellent « les Ombres ».

Il y avait longtemps que je n’avais lu Colette et ce fut un bonheur de lecture, son style m’enchante, me fait rêver, stimule mon imagination. Merci, Madame !

« Il regardait la plate et gracieuse fille, qui descendait à cette heure vers la mer. Il n’ avait plus l’ envie de la caresser que de la battre , mais il la voulait confiante , promise à lui seul, et disponible comme ces trésors dont il rougissait – pétales séchés, billes d’ agate, coquilles et graines, images, petite montre d’ argent… »

« Aucun livre, parmi tous les livres qu’il lisait librement, les coudes dans le sable, ou retiré, par pudeur plutôt que par peur, dans sa chambre, ne lui avait enseigné que quelqu’un dût périr dans un si ordinaire naufrage. Les romans emplissent cent pages, ou plus, de la préparation à l’amour physique, l’évènement lui-même tient en quinze lignes, et Philippe cherchait en vain, dans sa mémoire, le livre où il est écrit qu’un jeune homme ne se délivre pas de l’enfance et de la chasteté par une seule chute, mais qu’il en chancelle encore, par oscillations profondes et comme sismiques, pendant de longs jours. »

« Derrière la fenêtre, les yeux de la Pervenche le suivaient, et les gouttes glissantes le long de la vitre semblaient ruisseler de ces yeux anxieux, d’un bleu qui ne dépendait ni de l’étain jaspé du ciel ni du plomb verdi de la mer. »

« Août finissait, et l’on dînait déjà à la lueur des lampes, les portes ouvertes sur le couchant vert où nageait encore un fuseau de cuivre rose. La mer déserte, d’un bleu-noir d’hirondelle, dormait, et quand les dîneurs se taisaient, on entendait le petit flux lassé et régulier des marées de morte-eau. Philippe chercha, entre les Ombres, le regard de Vinca, pour éprouver la force de ce fil invisible qui les liait l’un à l’autre depuis tant d’années et les préservait, exaltés et purs, de la mélancolie qui accable les fins de repas, les fins de saison, les fins de journée. »

COLETTE, Le Blé en herbe, Librio, Flammarion, 2022 (Première parution : 1923)


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