Je déteste les va-t-en-guerre

Le jour d’après, rien n’est plus comme avant. 

Je suis assis dans le café de la grande librairie. Le café est bon, 

mais il ne me donne plus vraiment envie.

Il faut dire que le monde a pris le large.

Je reste à quai.

Je traîne.

Je musarde.

J’observe les visages

des gens que je ne connais pas.

Je ne vais pas mentir, certains sont beaux,

certains sont laids.

Certains ne sont ni l’un ni l’autre.

Certains ont peut-être été beaux avant,

certains seront peut-être beaux à l’avenir.

La beauté est relative,

surtout quand on ne sait pas comment regarder.

Certes, l’heure n’est plus à l’audace romanesque.

Il faut se contenter des validations de profils.

Pour chaque rencontre, un document à parcourir

et à signer en deux exemplaires

par chacune des parties.

Il faut se méfier, il faut rester sur ses gardes, n’avoir confiance en personne, les relations humaines se sont transformées en un exercice d’équilibre face à un vertige qui à chaque instant menace de nous faire tomber.

Et personne pour dire l’horreur,

personne pour compatir,

Pas de hashtag de solidarité.

Décidément les vies ne se valent pas toutes 

Certaines nous émeuvent plus que d’autres.

Vous ne me ferez pas hurler avec les loups, vous ne me ferez pas crier avec la meute, vous ne me ferez pas haïr mon prochain, peu importe le drapeau, peu importe la bannière, je ne tomberai pas dans le panneau, je suis libre de toute frontière.

Hier, le grand attentat, encore des dizaines de personnes innocentes, massacrées par des imbéciles armés de Kalachnikov démentes.

Le déferlement des mauvaises nouvelles a quelque chose d’anesthésiant, on ne se rend plus compte

de la cruauté des hommes, de la souffrance des enfants,

de la tristesse qui assombrit les âmes.

On ne se rend plus compte et pourtant, c’est comme si à chaque fois on nous rouait de coups, et on devenait plus durs.

Je déteste les va-t-en-guerre, je déteste ceux qui pensent que grâce au glaive et au canon, la justice sera rétablie.