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Le jour où John Lennon rencontra Salvador Dali

Publié le 25 mars 2024 par John Lenmac @yellowsubnet

Lundi 24 mars 1969, 13h00. En pleine lune de miel à Paris, John Lennon et Yoko Ono font la connaissance du peintre Salvador Dalí. Au cours d’un repas, John Lennon rédige quelques lignes qui seront plus tard intégrées dans “The Ballad of John and Yoko” :

“De Paris à l’hôtel Hilton d’Amsterdam, nous avons parlé dans nos lits pendant une semaine. Les journaux demandaient : ‘Mais que faites-vous au lit ?’ Je répondais : ‘Nous essayons simplement de trouver un peu de paix.'”

Lennon et Dalí sont restés en contact. Au milieu des années 70, le peintre et le musicien envisageaient une pèlerinage à Santiago de Compostela. C’est ce qu’affirme le journaliste et écrivain galicien Antonio D. Olano, ami proche de Dalí et confident d’un projet qui, finalement, ne vit jamais le jour. “Il voulait rassembler mille hippies et marcher jusqu’à Santiago, avec le leader des Beatles en tête. C’était prévu pour 1982. Rien n’était laissé au hasard, tout était organisé. Mais Lennon fut assassiné et Dalí perdit tout intérêt”, confie Olano, qui raconte cette aventure dans un chapitre de son livre de mémoires “La Gran Vía se ríe”.

L’idée même que ce pèlerinage ait pu se réaliser fait bouillonner tous les regrets de ce qui aurait pu être et n’a pas été. Deux des figures culturelles les plus médiatisées du XXe siècle réunies dans l’emblème culturel galicien par excellence. Tous deux entourés de hordes de ces hippies qui, face à l’incompréhension sociale, propageaient leur mode de vie à travers l’Europe. Ils auraient, supposément, trouvé là une dimension totalement spirituelle à leur existence. Et tout cela sur fond de deux paysages : d’une part, les efforts du prêtre Elías Valiña pour la promotion internationale de la Route de Saint-Jacques depuis les années soixante ; d’autre part, l’atmosphère d’ouverture de la transition, plaçant l’Espagne sous les regards curieux du monde. Aucune campagne publicitaire n’aurait pu avoir un impact plus grand.

L’origine de tout remonte à 1957. Cette année-là, Dalí peint “Santiago el Grande”, une œuvre monumentale représentant l’apôtre Jacques sur son cheval blanc s’approchant de Dieu. L’artiste avait avoué avoir ressenti en la réalisant “un frisson existentialiste : le frisson de l’unité de la patrie”. Olano, son ami, note que cette peinture marque un retour du peintre au fervor religieux. C’est l’une des raisons pour lesquelles la sortie en 1969 du film “La Voie Lactée” de Luis Buñuel, qui critiquait les hérésies du christianisme et s’inscrivait dans le contexte du Chemin de Saint-Jacques, provoqua sa réaction. Dalí sentit le besoin de répondre à l’audace de Buñuel, son ancien ami, avec qui il avait réalisé “Un chien andalou” et “L’Âge d’or”, brisant totalement leur relation au fil du temps. Voilà l’autre raison. Peut-être la plus importante. La réponse à l’audace de Buñuel fut claire : revitaliser l’idée du Chemin de Saint-Jacques et la proposer aux jeunes comme une révélation spirituelle. Dans son livre, Antonio D. Olano rapporte des déclarations très éloquentes de Dalí sur le plan conçu : “Si j’ai mis Santiago en orbite, je ne me suis jamais éloigné du centre de lancement pour pèleriner jusqu’à son tombeau. Je le ferai comme il se doit lorsque je me mettrai à la tête d’au moins une centaine de hippies reconvertis à la religion catholique, apostolique et romaine.” Après cela, l’artiste introduit Lennon dans l’histoire (“Je garde le contact avec John, qui souhaite faire le pèlerinage”) et donne sa vision particulière du cinéma de l’époque, ironisant sur sa position : “Tous les nouveaux films qui tentent de représenter la jeunesse sont plus ou moins anarchiques, antireligieux, ce qui est une bonne manière d’être religieux. Voilà le cas de Buñuel avec ‘La Voie Lactée’, un film qui mérite des prix. Il pourrait devenir prêtre un de ces jours. Le jour le moins attendu, Buñuel prendra les ordres religieux.” Ces déclarations ne sont pas datées, mais Olano situe les conversations entre Lennon et Dalí à ce sujet au milieu des années soixante-dix. C’est-à-dire, plusieurs années après la sortie de “La Voie Lactée” ou de “Théorème” de Pasolini, un autre des films contre lesquels leur pèlerinage voulait se rebeller. “Dalí était un génie, mais il était extrêmement lent. Il disait que les choses de Dalí, comme celles du palais, vont lentement. Et il se trouve que, cette fois, il fut si lent que cela ne put jamais se réaliser”, explique Olano, qui se souvient avoir envoyé, sur commande de Dalí, plusieurs télégrammes au leader des Beatles : “Je lui ai envoyé deux ou trois télégrammes. Nous étions dans sa maison de Cadaqués et j’allais à la poste les payer de ma propre poche”, précise-t-il, révélant une nouvelle excentricité de l’artiste : “C’était tout un simple formalisme de Dalí, car Dalí et Lennon parlaient au téléphone quand ils le voulaient. Ils n’avaient pas besoin de télégrammes mais, bien sûr, Dalí était Dalí. Lennon ne lui répondait pas par ce moyen, mais par téléphone.”


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