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Le fleuve des brumes

Publié le 26 mars 2024 par Adtraviata
fleuve brumes

Quatrième de couverture :

La pluie tombe sans discontinuer et les eaux du Pô montent dangereusement. Dans le brouillard, une péniche dérive sans personne à bord : où est passé Tonna, le batelier ? Étrange. D’autant que la même nuit, son frère est retrouvé mort dans un accident suospect. Le commissaire Soneri se plonge dans le passé des deux hommes et exhume leurs lourds secrets. Sur les rives du fleuve, rien n’a été oublié des combats de la Seconde Guerre mondiale. Ni pardonné.

Le fleuve des brumes est le quatrième roman où apparaît le commissaire Soneri, mais c’est le premier traduit en français (les trois premiers ne le sont toujours pas). J’aurais bien aimé en savoir un peu plus sur lui, à titre personnel, notamment sur son veuvage et sa relation bouillante avec Angela, une avocate. En même temps je ne vais pas me plaindre, dans certains polars l’auteur se croit obligé de faire un rappel circonstancié sur la vie de son héros et quand on suit la série, c’est un peu agaçant. On comprend très vite que Soneri est un solitaire, même s’il a des collaborateurs qui font des recherches utiles ou les « devoirs d’enquête » ennuyeux pendant que lui se balade seul, renifle le terrain, suit une intuition toute personnelle (qui s’avère juste évidemment), noue des liens avec des témoins potentiels et rentre tard chez lui où il mène une vie quasi monacale (Angela ne veut pas venir chez lui, elle préfère le retrouver dans des endroits improbables pour des rendez-vous interdits aux mois de 18 ans et cela arrange très bien Soneri). Il fume le cigare à longueur de journée et a une relation très conflictuelle avec son téléphone portable.

Dans cette enquête, deux frères meurent ou disparaissent de manière suspecte : le premier s’est défenestré (ou on l’a poussé ?) d’un hôpital de Parme où il allait simplement pour rencontrer des gens malades et les encourager dans les salles d’attente, le second disparaît avec sa péniche quelque part sur le Pô pendant un épisode intense de crue du fleuve. On est dans la basse plaine du Pô, non loin de Parme, dans la région d’Emilie-Romagne. Le fleuve va continuer à monter, empêchant une enquête « correcte », et la décrue va s’accompagner d’un brouillard et d’un froid glacial dans lequel va s’enfoncer le commissaire Soneri, au grand dam de sa hiérarchie. Pendant plusieurs jours, il va s’informer sur la vie du fleuve, interroger de vieux pêcheurs d’un club nautique, s’installer dans un restaurant typique tenu par un sourd, rencontrer la soeur et le neveu des deux morts, zigzaguer entre les bras morts du Pô pour faire resurgir de vieux secrets enfouis depuis la deuxième guerre mondiale, au temps où les fascistes et les résistants communistes se sont affrontés sans pitié.

Ce n’est pas le polar le plus palpitant que j’ai lu mais l’eau qui monte et se répand partout sans faire peur aux vieux qui connaissent intimement le Pô,, l’ambiance de brouillard et de gel qui prennent possession du paysage, les vieux qui savent mais ne parlent pas, tout cela crée un climat lancinant, oppressant et addictif à la fois. Je retrouverai sûrement le commissaire Soneri pour le connaître davantage, lui et sa ville de Parme, sans compter qu’il y a par ici de grandes traditions gastronomiques bien alléchantes…

« En quelques heures, le fleuve avait bien monté. Le banc de sable qui séparait le port des eaux avait été englouti et les barques restées amarrées paraissaient inquiètes comme des étalons. Le village semblait flotter dans un lac de lumières oxydées par l’humidité. Dans quelques heures, les poissons nageraient plus haut que le nid des pies. »

« Commissaire, vous le voyez, le Pô ? Ses eaux sont toujours lisses et calmes, mais en profondeur il est inquiet. Personne n’imagine la vie qu’il y a là-dessous, les luttes entre les poissons dans les flots sombres comme un duel dans le noir. Et tout change continuellement, selon les caprices du courant. Personne parmi nous n’imagine le fond avant de s’y être frotté et la drague fait un travail toujours provisoire. Comme tout ici-bas, vous ne trouvez pas ? »

« Vous avez bien choisi, le félicita-t-il en indiquant les pâtes aux haricots.
— J’ai du flair pour la nourriture. Plus que pour les enquêtes.
— Il faut de la patience, le consola le vieil homme. Ce n’est pas un don très répandu. Aujourd’hui tout le monde est pressé. »

Valerio VARESI, Le fleuve des brumes, traduit de l’italien par Sarah Amrani, Points, 2017 (Agullo, 2016)

Une étape de plus pour mon travail sur les polars italiens.

L’avis de Kathel


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