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Deux Poèmes de Régis Lefort

Par Etcetera
Deux Poèmes Régis LefortCouverture chez Gallimard

J’ai découvert ce recueil poétique chez Gibert, son titre « Des arbres » a attiré mon attention. Après l’avoir feuilleté quelques minutes, j’ai apprécié ces proses raffinées et recherchées et j’ai décidé de l’acheter.
Les rythmes ressemblent souvent à des alexandrins, les jeux sur les mots, sur les sens et sur les sonorités s’entremêlent de façon troublante, les phrases adoptent parfois des tournures curieuses, syntaxes rares, interruption inattendue ou choix de mot qui désoriente. La plupart des proses s’attachent à une espèce d’arbre particulière : catalpa, olivier, if, cerisier, sapin bleu, mimosa, tulipier, marronnier, oranger (cf ci-dessous), etc. Mais certains autres textes évoquent un arbre en général, tel celui sur la neige (à retrouver ci-après). L’auteur cite Ponge comme non-référence. J’ai aussi pensé à Prévert, qui a lui aussi consacré un recueil aux arbres – intitué « Arbres » – d’une tonalité totalement différente.

Biographie succincte du poète

Régis Lefort, né en 1962 à Bayonne, est un poète et écrivain français. Agrégé de Lettres modernes, il fait sa thèse sur Henry Bauchau. Maître de conférence à l’Université d’Aix-Marseille à partir de 2008. Il est animateur d’ateliers d’écriture poétique en partenariat avec le cipM et à l’université du temps libre de Marseille. Participe à la revue Nu(e) et à Poezibao.

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Page 29

Arbre dessous la neige. Arbre chandelier blanc. Arbre lent, arbre immense sous les cristaux de feu. Arbre luminescent dont deux petits miroirs renvoient la silhouette. Arbre qui se dessine où le cœur apparaît, neige et bois conjugués jouant de leur essence quand tout se veut discret, funèbre, effrayant. Peut-on ainsi poursuivre la vie végétative, la vie des arbres nus perdus dans la blancheur ? Quel manteau porte en lui la peur et le courage ? Quel manteau merveilleux, quelle pureté trouble et autant dans le bois au jour du jour enfoui ? Quelle sous une couche égale et dételée dans les branches qui, blanches, inquiètent et pétrifient sous le soleil gelé ? Puis la fonte hésite, chaleur et froid partagent leurs brûlures communes, tatouent la peau glaciaire d’un rouge indélébile. L’arbre soumet son corps, déneigé et nouveau. L’hibernation cesse. La vie revient toujours par la couleur champêtre. Il n’est que la saison pour rappeler la forme et naissante à l’oiseau, et peut-être joviale.

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Page 51

Des orangers comme une averse. Des orangers à l’horizon. Pointes d’oranges semées à l’œil dans la verdure des agrumes sur le feuillage de saison pour un mariage que rien n’embrume. Comme un sapin qui voudrait fuir l’orange unique de Noël en ne portant qu’une guirlande. Descend l’orange dans la vallée, s’engouffre bercée vers la mer. Les orangers de Valencia vers Alicante s’enluminent et, sous la chaleur écrasante, rien n’est plus doux que leur éclat. L’acidité de chaque fruit consume comme libellule ce que le corps boit de sucré où le soleil est tarentule. À même l’orange vermeille, qui n’est pas l’orange de Ponge, le buveur joue de l’expression, une expérience un peu amène entre vases communicants. Mon orange n’est pas express, elle ne se presse ni ne se froisse. Elle aime la lenteur pareille aux lenteurs qu’aimait autrefois. Quand certains n’ont que la vitesse, d’autres ont la charrette à bras. Mon orange ne connait là ni dépression ni oppression. Un peu de son sang pur éveille et va de rage à l’expression. 


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