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L'Eau grise

Publié le 21 août 2008 par Philippe Di Folco
De la piscine aux ondées, je plonge ensuite alternativement dans deux livres à paraître fin août d'où il ressort quelques belles pages, et je suis heureux de ne pas trop perdre mon temps, j'ai misé sur deux auteurs toulousains, l'un connu, l'autre inconnu, ça donne ça :
"Les années quatre-vingt furent horribles pour toute forme d'esprit ou de culture, exception faite des médias télévisuels, du libéralisme économique et de l'homosexualité occidentale. [...] Ce fut la Grande Joie ! [...] "Rétrospectivement, je vois bien les années où le fric devenait une valeur sociale démocratique, où la Bourse, l'apparence, le look, le toc, le mauvais goût s'exprimaient dans une grimace généralisée de la planète, au grand jour. Exthétique pub de néons et de premiers écrans d'ordinateur Atari, fuseaux fuchsia, PAO et synthétiseurs. Le clinquant."" [...] "On regarde la télé ?" J'allume. Voilà où on en est."
Tristan Garcia, La meilleure part des hommes, Gallimard, chap. 5, p.35
"Ce soir-là, à la télévision, je regardai une interview de Barack Obama, suivie d'un nouvel épisode de la série 24 heures avec Wayne Palmer, deuxième président noir des Etats-Unis, après qu'il eut succédé à David, son frère, assassiné durant la précédente saison. Obama aurait pu jouer dans la série, et l'acteur prendre sa place dans la course à l'investiture, tant les deux personnages donnaient cette agréable impression de fluidité, d'assurance et d'interchangeabilité. Il ne faisait aucun doute pour moi que "ce type maigre avec un drôle de nom", ainsi que se définissait le sénateur de l'Illinois, serait le troisième président noir des Etats-Unis. les frères Palmer avaient ouvert la voie. Barack Hussein Obama Jr., peut-être affecté d'une légère déficience ondérale, n'avait qu'à avancer sur leurs brisées? Quoi de plus logique, dans le fond, qu'en ce pays des apparences trompeuses et de l'économie virtuelle, la puissance de la fiction eût fini par imposer ses vues à la réalité ? En cette fin septembre, les sondages étaient loin de le donner gagnant, et pourtant quelque chose me disait que, l'année prochaine, l'homme de Chicago serait à la tête du pays. J'étais un spécialiste pour dénicher les outsiders."
Jean-Paul Dubois, Les Accomodements raisonnables, Le Seuil, p. 169
Entre temps, je veux dire hier, entre ces deux séances de lecture (les deux livres terminés fébrilement vers 4 heures du matin), j'apprends la mort dans la solitude, l'oubli, l'abondon, de Tony Duvert. J'avais lu son Bon sexe illustré édité chez Minuit en 1974, que j'ai ressorti de ma bibliothèque il y a trois semaines en vue de préparer un petit ouvrage sur le sexe. Ce livre n'est pas republiable. Aujourd'hui, on ne peut pas écrire d'essai abordant la sexualité des adolescents, en pleine lumière, comme ça, en démontant les mécanisme insidieux du système forcément et nécessairement réducteur (le jeune en miniature, le jeune bon qu'à se faire canarder à Kaboul, le jeune bon qu'à gober du milk-shake, etc.). Dans des fictions, oui, il semble que la creative fiction puise transgresser quelques interdits. Puissance et impuissance des écrivains, bientôt transformés en producteurs de flux pour I-Pods last generation.
"We fade to Grey..."


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