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Karine Reysset… (rattrapage)

Par Antigone

Je n’avais pas fait de billet sur ce blog depuis longtemps dans le cadre de cette rubrique, nommée « rattrapage », qui permet de rapatrier d’anciens posts, en provenance de mon ancien blog. Après celui sur Annie Ernaux, celui sur Brigitte Giraud, je profite de la sortie du dernier roman de Karine Reysset, Dans la maison d’été, et du challenge de Géraldine (Lisez votre chouchou) pour publier ici ces billets. Bref, il m’a paru encore une fois inconcevable que les articles ci-dessous ne soient pas ici…  Le reste de mes lectures de Karine Reysset sont à retrouver ici.

Karine Reysset… (rattrapage)
 (le billet de 2011)

« Mickael Jackson venait de mourir, et ça ne lui faisait rien. Derrière la fenêtre à petits carreaux entrouverte, le cèdre bleu effleurait le toit, les fils électriques. Il faudrait l’élaguer. Il y avait tant de choses à faire, toujours, des choses ordinaires. Assise sur son lit, Lena tenait un body d’une main, une robe à pois de l’autre. Autour d’elle, des piles plus ou moins droites de vêtements, quatre exactement. Une pour Zoé, une pour Théo, une pour Vincent, et une pour elle, évidemment. Il ne fallait pas qu’elle s’oublie. Cela ne risquait pas avec les pensées qui l’assaillaient, des mauvaises pensées. S’il n’y avait eu que ça. Ces derniers mois, elle avait des bouffées, des pulsions, des crises, elle ne savait comment les nommer. Puis elle avait envie de pleurer – souvent même elle pleurait – et de sauter par la fenêtre. Pourtant, elle n’était pas malheureuse, n’avait aucune raison de l’être. »

Une famille se retrouve le temps d’un week-end au bord de la mer, à l’occasion de l’anniversaire du grand-père. C’est une famille recomposée, aux multiples éclats et parcours personnels. Les adultes n’en ont pas encore tout à fait fini avec les maux de l’enfance, et les petits-enfants forment un brouhaha réclamant également une part d’attention.
Sous le regard des autres, chacun sera à même de prendre tout à coup des décisions concernant son avenir. Lena, la mère épuisée, mais aussi Achille, le frère aîné mal aimé, ou Merlin, l’éternel dilettante mettront à jour le drame qui trente ans plus tôt a marqué à jamais leur enfance…

Voici un livre acheté samedi et déjà dévoré. Il colle parfaitement avec l’ambiance du jour, le week-end Pascal étant souvent synonyme de retrouvailles familiales. La couverture me plaisait énormément, le thème était alléchant, et j’ai beaucoup aimé l’écriture simple de Karine Reysset, sa manière très douce et fine de croquer ses personnages. Pour moi, c’est un coup de coeur, car j’ai retrouvé dans ce roman le plaisir que j’ai pu avoir par exemple à regarder le film Le premier jour du reste de ta vie… La maison familiale grouille de vie, on se dispute, on boit, on se serre dans les bras, on se réconcilie, on tombe sur un enfant à chaque coin de couloir, le soleil tape, on a oublié la crème solaire, quelqu’un part sans avoir dit au revoir, on se promet de changer enfin, on cherche sans cesse dans les yeux de ses parents l’assurance d’être aimé pour ce que l’on est. Les caractères sont réalistes sans être caricaturaux, la douceur est là, le réconfort aussi, toute froideur apparaît très vite comme n’étant que de façade.

Karine Reysset… (rattrapage)
(le billet de 2011)

Le soir, sur la plage les pieds dans l’eau, je demandais aux mouettes aux vagues à la lune s’ils ne t’avaient pas vue.

« Si je ne l’avais pas connue, je serais entrée dans les ordres, engagée au service de Dieu, j’aurais porté le voile, posé mes genoux cagneux sur le sol froid et humide d’une pièce sans lumière. J’ai abandonné Dieu, seuls les idiots ne changent pas d’avis. J’ai préféré la vie-vitesse, la chaleur de sa peau, de l’alcool et des flammes, le tourbillon des danses sur la lande, les virées en mobylette, et puis et puis. »

Chloé est revenue dans la vie de Cécile de manière fracassante. Un appel d’un centre psychiatrique et c’est tout un passé qui ressurgit dans le quotidien terne et sans joie de la jeune-femme.
Elle n’était autrefois qu’une adolescente pataude et cette amitié d’alors, inespérée, l’a révélée à elle-même, tout semblait possible. A présent, Chloé est prostrée, méconnaissable, incapable de parler de ce qui l’a amenée là, elle a besoin d’aide. Cécile donnera tout pour ramener son amie à la surface, lui insuffler la vie, en mémoire de ce qui les uni, puis séparé douloureusement dans le passé.

Je découvre Karine Reysset. Ce livre était pourtant dans ma PAL depuis bien plus longtemps que Les yeux au ciel, roman plus récent que j’ai beaucoup aimé (coup de coeur de ce printemps même !). Ici, l’intrigue est moins lumineuse, plus douloureuse, plus âpre, mais le contenu est toujours efficace, la palette encore une fois fournie en émotions et réflexions diverses. Karine Reysset excelle dans l’art de camper ses personnages. Ils ressemblent à la vie, je les trouve profondément humains, palpables. Décidément, j’aime cette écriture là. Je deviens adepte, c’est évident.
Me voici conquise par Madame Olivier Adam, je ne m’y attendais pas.

Karine Reysset… (rattrapage)
 (le billet de 2011)

« Elle n’est plus là. Le drap du berceau a gardé l’empreinte de son corps en boule. Notre rencontre aura été de courte durée. Je n’ai même pas eu le temps de lui parler. Je vais me préparer et partir, je n’ai plus que ça à faire maintenant. Sur ma main, il y a encore son odeur de bébé. Une odeur de lait et de cassis, ou de mûre. »

Emilie est trop jeune, trop seule, trop peu capable d’élever cet enfant qu’elle va mettre au monde dans quelques minutes. Il naîtra sous X, sera élevé par une famille d’accueil aimante, loin d’elle, et voilà tout. Mais rien ne se passe comme prévu, ni l’attachement subtil qui attache la jeune femme à sa petite fille dès qu’elle l’aperçoit, la sent, l’entend, ni la présence de cette autre femme dans la maternité qui profite d’un moment d’inattention pour enlever le nourisson, tellement pleine de désir d’enfant et de cette douleur absolue d’avoir encore une fois perdu le sien…

Entre Paris et l’espace Thalasso de Saint-Malo, c’est le destin d’une petite Léa née pour susciter l’amour d’une mère que l’on suit. Et c’est avec une émotion à fleur de peau que l’on rentre dans ce récit de Karine Reysset. Je dois avouer que des larmes ont coulé. Dans ce roman, il est surtout question du lien maternel et de la possessivité qui en découle, mais aussi de cette possibilité courageuse d’une vie recommencée loin des orages du passé, et puis de folie.
Voici le troisième roman que je lis de l’auteure, en peu de temps. Après avoir lu A ta place et Les yeux au ciel, je pense cerner à présent l’ambiance de ses textes, son univers littéraire. Il me plait beaucoup. Je vais sans doute attendre, cependant, avant d’en lire un quatrième… Point trop n’en faut pour conserver le plaisir !

Karine Reysset… (rattrapage)
 (le billet de 2017)

Tu avais envie de revenir un peu à tes fondamentaux en matière de lecture… aux auteurs qui te font vibrer d’habitude. Et Karine Reysset fait partie du lot. D’elle, tu avais déjà beaucoup aimé Les yeux au cielComme une mère et A ta place… tu étais donc très intéressée par son dernier roman. Dans La fille sur la photo, nous suivons Anna, de retour dans cette grande maison de bord de mer qu’elle a quitté il y a un an pour suivre son amant. Dans cette maison elle était alors la compagne d’un réalisateur connu, beaucoup plus âgé quelle, et déjà père de trois enfants. Pendant dix ans, elle avait servi de mère de substitution, jusqu’à ne  plus vraiment savoir qui elle était et où était vraiment sa place. Elle revient pour Garance, quatorze ans, qui est hospitalisée, et qui va très mal depuis son départ, depuis cet abandon. L’occasion pour Anna de se confronter à son passé, aux raisons de son départ (de sa fuite), et à la vacuité affligeante de son présent. Que faut-il donc faire ? Recoller les morceaux ? Fuir encore ? Anna oscille et tente, parmi ceux qui forment autour d’elle un semblant de famille, de savoir qui elle est réellement, ce qu’elle veut, et de retrouver surtout le chemin de l’écriture… son gagne pain et sa planche de salut. Et toi lectrice, tu es rentrée dans ce roman à pas feutrés car il est intime, effectivement vibrant et émouvant. Il parle très bien de la perte de repères que crée le manque de stabilité parentale, de l’amour qui répare, des liens qui n’ont pas besoin du sang pour exister… Tu as aimé la personnalité d’Anna, observatrice, d’apparence si peu actrice de sa vie, d’apparence si fragile, mais en réalité forte d’une volonté farouche de devenir enfin celle qu’elle est réellement, indépendante et vraie. Une lecture que tu posais de temps en temps, comme pour respirer entre chaque chapitre l’air marin de Saint Malo, et puis que tu reprenais comme on ouvre la grille d’une maison que l’on a trop bien connue et dont on perçoit dans tout son corps chaque bruit, chaque odeur. 

Karine Reysset… (rattrapage)

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