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All Night Long, 1962 – Jazz, mensonge et trahison

Par Mespetitesvues
Night Long, 1962 Jazz, mensonge trahison

L'histoire: Rodney Hamilton ( Richard Attenborough), un riche dandy amateur de jazz, organise une réception pour honorer le premier anniversaire de mariage de ses amis Delia Lane (Marti Stevens), une chanteuse blanche et Aurelius Rex (Paul Harris), afro-américain pianiste et leader d'un band de jazz renommé. Les membres du groupe sont invités pour mettre l'ambiance. Delia, qui avait renoncé à sa carrière, a décidé de surprendre son mari en lui offrant un tour de chant qu'elle a longuement répété en cachette avec Cass Michaels (Keith Mitchell), ancien toxicomane devenu manager et saxophoniste pour Aurelius. Se mêle à la fête, Johnny Cousin (Patrick McGoohan), talentueux et ambitieux batteur qui a pour sa part décidé de monter son propre band. Pour ce faire, il doit s'affranchir de la tutelle d'Aurelius, ce qui n'est pas chose aisée puisqu'il aura besoin de beaucoup d'argent et qu'il compte sur la participation de Delia. Or, cette dernière refuse de quitter son mari. Johnny monte un stratagème odieux pour laisser croire à Aurelius que sa femme le trompe avec Cass, son ancien amant.

Transposition moderne du Othello de Shakespeare, All Night Long de Basil Dearden (Tout au long de la nuit en VF) est assurément l'un des très probants exemples de la grande qualité du cinéma britannique des années 1960. De fait, il aurait été parfaitement injuste que ce film distribué en 1962 - longtemps oublié avant de retrouver ses lettres de noblesse à la faveur d'une édition DVD au début des années 2010 - se perde, tant sa contribution au patrimoine cinématographique et musical anglo-saxon semble aujourd'hui indéniable.

Ravis par la trame sonore et la présence de figures emblématiques - dont Charlie Mingus, Dave Brubeck, Johnny Dankworth et plusieurs vedettes de la scène be-bop londonienne -, les amateurs de jazz s'en sont rapidement emparé, charmés par la les " shakespearophiles " l'ont abondamment décortiqué, et les inconditionnels des vues anglaises à saveur sociale ont retrouvé sa valeur.

Pour un panel plus large et plus généraliste de cinéphiles, All Night Long se voit comme un drame intense qui se distingue autant par son scénario très habile et très fluide malgré sa complexité, sa mise en scène en hui clos souvent étouffante, une gestion du temps parfaitement contrôlée (comme son titre l'indique, le film se déroule en l'espace d'une nuit) et les performances solides de comédiens de grand talent. Au centre de ceux-ci, trône Patrick McGoohan, dans l'une de ses meilleures performances au cinéma. Comme le disait Orson Welles, McGoohan aurait pu être l'un des meilleurs acteurs de sa génération si la télévision ne lui avait pas mis le grappin dessus.

Il le prouve hors de tout doute dans la peau d'un Johnny Cousin égotique torturé par la jalousie. La fascination qu'exerce son personnage enfermé dans la solitude tient de sa complexité particulièrement palpable alors que son plan machiavélique se met en place. Se révèle alors la noirceur de l'artiste, tenaillé par la quête de reconnaissance et de succès qui l'habite. À ce chapitre, il faut souligner la mémorable séquence finale dans laquelle il martèle un glaçant discours d'adieu à sa petite amie au rythme d'un solo de batterie percutant et rageur. Le numéro 6 du Prisonnier avait appris l'instrument pour l'occasion, et il est absolument bluffant de crédibilité.

Autres particularités notables à mettre au crédit du film: la direction photo de Ted Scaife ( The Third Man), des dialogues souvent incisifs et une analyse sociale audacieuse dans le contexte de l'époque - et nettement en avance sur le cinéma hollywoodien -, mais encore très pertinente soixante ans après sa création. All Night Long de Basil Dearden est à voir, soit chez Criterion, soit sur tubi.tv et d'autres plateformes.


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