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[Critique] Bonnard, Pierre et Marthe de Martin Provost

Par Mespetitesvues
[Critique] Bonnard, Pierre Marthe Martin Provost

Synopsis officiel: Pierre Bonnard ne serait pas le peintre que tout le monde connaît sans l'énigmatique Marthe qui occupe à elle seule presque un tiers de son œuvre...

En salle au Québec le 31 mai 2024

Après deux essais racontés au présent ( La bonne épouse, 2020 et Sage femme, 2017), Martin Provost replonge dans le passé pour réhabiliter la mémoire de l'inconnue, mais néanmoins importante, Maria Boursin (1869-1942), femme du maître français Pierre Bonnard, mieux connue sous le nom de Marthe Bonnard.

Dans la lignée des portraits qui lui ont apporté le succès (la femme de ménage de génie de Séraphine, 2009 et celui de Violette Leduc, écrivaine et muse de Simone de Beauvoir, dans Violette, 2013), Martin Provost signe avec Bonnard, Pierre et Marthe un biopic chronologique grand public et de qualité, qui suit les conventions du genre, sans les bousculer outre mesure.

La principale réussite de ce film imparfait est selon moi d'éviter de se servir du passé pour livrer un message #moiaussi de bon aloi, en ne faisant pas la critique de la société patriarcale d'alors et en ne donnant pas à ses personnages des valeurs au goût du jour, difficilement imaginables à l'époque. Même s'il a bien des défauts, son Pierre Bonnard n'est pas un salaud de la pire espèce. Et quant à Marthe, elle n'est pas un martyr sacrifié sur l'autel du machisme ou de la masculinité toxique, pas plus qu'une vengeresse déterminée à se débarrasser d'un mari volage et de ses nombreuses maîtresses.

Subtile et tout en retenue, l'étude de caractère la dépeint plutôt comme une campagnarde (elle était berrichonne) modeste et résiliente, amoureuse de la nature tenant contre vents et marées à la stabilité de son couple. Le problème, c'est que comme le scénario s'intéresse autant à Pierre qu'à Marthe, on cherche, au moins dans la première heure, quel est le sujet ou le protagoniste principal.

Provost négocie mieux sa seconde partie, plus sombre, centrée presque exclusivement sur celle qui se révélera sur le tard une talentueuse artiste et qui s'enferma dans la folie avant de disparaître sans faire de bruit. Le parti pris de n'aborder que leur histoire d'amour fait aussi en sorte que l'on apprend bien peu de choses sur Bonnard, les démons qui le dévoraient et les passions qui l'habitaient et sur ce qui lui donnait cette touche inimitable. Dans Bonnard, Pierre et Marthe, c'est donc essentiellement par le prisme d'une romance épicurienne que l'on aborde la vie de l'insatiable peintre du bonheur et de la lumière, dernier des impressionnistes. C'est, avouons-le, un peu juste.

Provost a évidemment pris des libertés historiques, notamment dans les interactions du couple avec leurs amis artistes (Monet, Vuillard...) et dans la relation de Pierre et Renée, incarnée par la diaphane Stacy Martin. La peinture de milieu n'y perd pas trop de plumes, en dehors de deux ou trois scènes de repas assez anodines et répétitives et de quelques notes d'humour pas toujours heureuses. Il aurait en outre été nécessaire d'apporter plus de soin dans les maquillages des personnages âgés, qui ne sont pas du meilleur effet.

En revanche, rien à redire sur la qualité de l'interprétation de Vincent Macaigne, crédible et sensible, et de Cécile de France, impeccable dans la peau de celle qui a sans doute été la véritable et seule raison d'être de son réputé mari.


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