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Tamango, 1958 – Dorothy Dandrige, belle esclave

Par Mespetitesvues
Tamango, 1958 Dorothy Dandrige, belle esclave

L'histoire: Au début du XIXe siècle, le trafic d'esclaves noirs se poursuit malgré l'abolition officielle de l'esclavage. En Guinée, un chef de tribu échange une cinquantaine de ses concitoyens contre deux barils de rhum et une vingtaine de fusils. Le bétail humain est hissé sur le négrier hollandais l'Esperanza, puis entassé dans les cales sombres et humides. La surveillance stricte du bosco ( Roger Hanin) est le gage de la paix à bord. Las et désabusé, le capitaine Reinker ( Curd Jurgens) croit qu'il s'agit là de son dernier voyage, dont la monotonie sera adoucie par la présence à ses côtés d'Aïché ( Dorothy Dandridge), la jeune métisse qui lui sert de maîtresse depuis plusieurs années. Mais cette traversée en direction de Cuba ne sera pas des plus faciles. Les esclaves se regroupent sous l'autorité de Tamango, le plus fort et le plus courageux d'entre eux (Alex Cressan). Bien décidés à s'emparer du navire, Tamango et ses camarades brisent leurs chaînes et s'emparent de quelques fusils. Reinker n'a pas l'intention de se laisser faire et entend réprimer la rébellion dans le sang. Les supplications d'Aïché - qui a compris que ses frères ne sortiront pas vivants - et les remontrances de Corot ( Jean Servais), le compatissant médecin du navire, n'y changeront rien.

Tamango, 1958 Dorothy Dandrige, belle esclave

est un drame franco-italien très librement inspiré de la nouvelle éponyme de Prosper Mérimée datant de 1829. Réalisé par l'américain en exil John Berry, il s'agit d'une luxueuse production en CinemaScope et Technicolor, qui, si elle n'a pas donné une grande oeuvre, occupe tout de même une place à part dans l'histoire du cinéma. C'est en effet l'une des toute premières tentatives, si ce n'est la première, de montrer à un large public (à sa sortie en France il a été vu par 2 millions de spectateurs) les dessous de l'esclavagisme par le biais d'un récit de fiction. Nous sommes 10 ans avant Queimada de Gillo Pontecorvo et 16 avant Mandingo de Richard Fleischer. Et à ce jour, ils ne sont pas nombreux les cinéastes occidentaux à avoir osé montrer de la sorte le destin des afro-descendants, passant en quelques jours à peine d'êtres libres à esclaves des Blancs.

Au-delà de cette importance historique et des remous qu'il avait créé à l'époque en raison de son sujet tabou, Tamango se voit aujourd'hui surtout comme un récit d'aventures maritimes classiques (avec son capitaine dur à cuire, ses boucaniers mal rasés et violents, sa bourgeoisie complice), doublé d'un mélo suranné (la mulâtre prise entre ses racines et sa soumission au capitaine Blanc). Le vétéran Curd Jurgens offre à son capitaine sans coeur ce qu'il faut de froideur et de méchanceté, mais aussi de fragilité. Pour sa part, Jean Servais - figure bien connue des amateurs de cinéma français des années 1950 - possède ce qu'il faut de sarcasme et de répondant. On aura plus de mal avec les interprétations des seconds rôles, desquels ressort toutefois dans le rôle titre Alex Cressan, un étudiant en médecine français qui n'a accepté le rôle que parce qu'il avait besoin d'argent pour continuer ses études. Il disparut d'ailleurs de la circulation après avoir touché son chèque.

Tamango, 1958 Dorothy Dandrige, belle esclave

Tamango est sorti à Montréal le 18 décembre 1959 - soit près de deux ans après sa présentation en France - parce que Dorothy Dandridge donnait au même moment un tour de chant au El Morocco, qui fut dans les années 1940 et 1950 l'un des plus célèbres cabarets de la métropole québécoise.

Le revoir aujourd'hui, c'est se donner l'occasion de redécouvrir cette très belle femme, ici dans un rôle à la sensualité délicate, subtilement mise en valeur. Originaire de Cleveland, Dorothy Dandridge a laissé sa marque dans l'histoire d'Hollywood puisqu'elle fut l'une des premières actrices afro-américaines à y rencontrer un véritable succès. En tant qu'actrice et chanteuse noire dans les années 40-50, aux États-Unis, on imagine fort bien toute la complexité qu'elle a eu à trouver des engagements intéressants.

Tamango, 1958 Dorothy Dandrige, belle esclave

Au cours de ses 25 années de carrière, elle n'a d'ailleurs réussi à participer qu'à une trentaine de longs métrages, malgré ses talents multiples. Du reste, une bonne partie de ses rôles sont soit non crédités, soit cantonnés à des illustrations stéréotypées d'afro descendantes et de métisses ( Bahama Passage, Drums of the Congo, Tarzan's Peril). Ce n'est que sur la fin de sa carrière qu'elle a réussi à se faire une (petite) place au soleil, dans des films comme Bright Road (Gerald Mayer, 1953), mais surtout Island in the Sun de Robert Rossen (1957), Carmen Jones (1954) et Porgy and Bess (1959) tous deux réalisés par Otto Preminger dont on dit qu'il fut son amant.

Marquée par une carrière jalonnée d'échecs répétitifs et une vie personnelle chaotique (enfance déprimante, relations amoureuses pénibles, problèmes financiers, alcoolisme, toxicomanie), Dorothy Dandridge s'en est allée sur la pointe des pieds le 9 septembre 1965, à l'âge de 42 ans, sans doute suite à un abus de barbituriques et de médicaments. Revoir Tamango - actuellement diffusé dans une magnifique copie sur StudioCanal - c'est faire revivre le temps d'une vue sa beauté et son charisme, qui lui survivront pour longtemps encore.

Prochaines diffusions : Lundi 15 Juillet à 15:20 | Mercredi 17 Juillet à 23:35 | Mardi 23 Juillet à 14:06 | Mercredi 24 Juillet à 08:01 | Samedi 27 Juillet à 02:52.

On peut aussi le trouver dans les grilles horaires de TCM et dans le catalogue Kino Lorber en DVD ou Blu-ray.


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