Fragilité et résilience

Mon tricot a progressé presque à mon insu sur les mots de Sylvie Drapeau, oui, encore, dans . Un récit encore plus poignant que L'enfer. Dans les livres précédents, l'autrice nous avait révélé quelques-uns de ses drames familiaux - la noyade de Rock, le frère aîné, la mort de la mère, le suicide de Richard, le frère cadet. Dans ce nouvel opus, c'est de la disparition de Suzanne, la sœur aînée dont il est question. Terrassée par de terribles hémorragies cérébrales dans la cinquantaine. Mais pas que, parce que la narratrice est elle-même sur la pente glissante d'un effondrement psychologique et physique annoncé par des crises de panique et une claustrophobie croissante. Avec sa voix douce, son vocabulaire mesuré et précis, sa quête de sens, Sylvie Drapeau (car il y a ici un lien étroit entre l'autrice et la narratrice) nous fait éprouver presque de l'intérieur son épuisement et la lutte qu'elle entreprend pour revenir à la vie. Ça ne sera pas sans être obligée de se pencher sur la relation avec son père, autoritaire, narcissique. Lorsque revient l'énergie, elle sait que le travail n'est pas fini, qu'un long chemin reste à parcourir pour s'approprier sa propre vie, ses propres désirs, pour sortir de l'enfermement du désir de plaire à ce père impossible à satisfaire.

J'imagine que je ne suis pas seule à me retrouver en partie dans les récits de Sylvie Drapeau. La maladie mentale, le père autoritaire, la soumission des femmes, c'est à la fois banal et terriblement universel. La manière dont l'autrice en parle nous remue, fait remonter à la conscience des choses non pas oubliées, mais enfouies, nous rend plus vivants. Et se sentir plus vivant, c'est quand même un ingrédient du bonheur, non ? Je vous en recommande chaudement la lecture ou l'audition !

Sylvie Drapeau, La terre, (publié chez Leméac), écouté sur la plateforme numérique d'Odhio de Radio-Canada, durée 2 h 44