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L'Amérique profonde décidera de l'élection

Publié le 29 août 2008 par Drzz

L'Amérique profonde décidera de l'élection
Par Guy Millière
 
La seule question politique
vraiment importante qui se posera d’ici la fin de l’année est celle qui trouvera sa réponse le 4 novembre prochain, tard dans la soirée, aux Etats-Unis. Elle se libelle ainsi : qui succèdera à George Bush à la Maison Blanche ? De fait, le Président des Etats-Unis est, que cela plaise ou non, le chef de ce qu’on appelait autrefois, et qu’on devrait toujours appeler ainsi, le « monde libre ». L’économie américaine continue de représenter plus du quart du produit intérieur brut mondial et tire la croissance planétaire. L’armée américaine est la seule à être présente sur les cinq continents et à avoir, partout, des capacités d’intervention crédibles. La politique étrangère américaine est la seule à pouvoir influer de façon majeure sur le cours du monde.

Il est de bon ton, de nos jours, de décrier la présidence Bush. Je fais partie de ceux qui pensent, comme Bush lui-même d’ailleurs, que le temps du jugement de l’histoire n’est pas venu. Que, lorsqu’il arrivera, il permettra de voir les choses différemment de la façon dont on les perçoit en restant le nez collé sur l’actualité.

 Il n’en demeure pas moins que Bush est présentement très impopulaire. C’est un fait, aussi, qu’une grande majorité d’Américains considèrent que le pays avance dans la « mauvaise direction » et que des changements sont nécessaires. Dans ces conditions, le candidat Républicain part avec un très net désavantage. Le risque existe qu’il soit battu. Je n’entends pas pour autant renoncer du tout à l’idée qu’il peut aussi gagner. J’entends même affirmer cette idée, et dire que c’est la façon dont John McCain mènera sa campagne, qui déterminera fondamentalement le résultat final : c’est lui et lui seul qui forgera son succès ou sa défaite.

Ce qui joue en sa faveur ? Ce qu’on appelle péjorativement dans les grandes villes « l’Amérique profonde », ou, pour user du vocabulaire des magazines, le fly over country, le pays que l’on survole sans s’y arrêter.

Dans les villes universitaires aux Etats-Unis, on est à gauche, voir très à gauche, même quand on gagne beaucoup d’argent. On est imprégné de « politiquement correct ». Dès qu’on s’éloigne vers les banlieues et les campagnes, le paysage change. On se retrouve au milieu d’employés, d’agriculteurs, de membres de la grande classe moyenne américaine. On est dans un autre pays où on va à l’office et où on croît en Dieu, où on accroche le drapeau devant chez soi et où on écoute les commentateurs de talk radio qui sont, souvent, conservateurs. Dans cette Amérique là, le patriotisme n’est pas un vain mot, on soutient les troupes, on a confiance en  l’armée, on n’aime pas le mot « défaite ». On discerne la différence entre démocratie et totalitarisme. On connaît très exactement le rôle des Etats-Unis sur la planète et l’emplacement d’Israël sur une carte de géographie. « L’Amérique profonde » votera McCain : avec réticence, quelquefois, mais en fin de compte, elle le fera. Même si elle ne veut pas toujours voter McCain, elle le fera, au moins, contre Obama.  

Ce qui joue en faveur de McCain aussi ? La candidature Obama, précisément. Obama est le candidat le plus à gauche qui se soit présenté à une élection présidentielle américaine, avec l’investiture d’un grand parti, depuis plusieurs décennies. Jamais un candidat aussi à gauche n’a été à ce point proche de la Maison Blanche. Lorsqu’on soulève les atours de la rhétorique emphatique et vide apprise auprès de prêcheurs et d’agitateurs sociaux, on trouve un discours marqué par des nuances socialistes (forte augmentation des taxes et des impôts, démultiplication des systèmes de redistribution et création de nombreux emplois improductifs) et par des aspirations « pacifistes », reposant sur un aveuglement volontaire face au danger que peut représenter la barbarie.

Un pari a été fait au sein du parti Démocrate voici une quarantaine d’années, et ce pari a consisté à s’appuyer sur les courants de la « nouvelle gauche » et de la contre-culture pour changer l’état d’esprit du pays et pour parvenir à une forme d’hégémonie culturelle, censée déboucher sur la prise du pouvoir. C’est, avec Obama, ce pari qui est en train de s’accomplir. Si l’hégémonie culturelle prédomine dans les grandes villes, Obama n’en a pas moins tout pour susciter la défiance, voire davantage chez ceux que cette hégémonie horripile.

On pourrait dire, d’ailleurs, qu’Obama ne cache guère ses liens avec ceux qui ont fait ce pari. Dans ses fréquentations plus ou moins assidues, depuis une vingtaine d’années, on trouve d’anciens terroristes gauchistes (Bill Ayers), des activistes pro-palestiniens (Rachid Khalidi), des pasteurs et prêtres racistes et fort proches de l’antisémitisme (Jeremiah Wright, « directeur de conscience » d’Obama pendant vingt ans et désavoué voici quelques semaines seulement, Michael Pfleger), des affairistes véreux, qui ont eu des liens troubles avec des régimes très douteux tel celui de Saddam Hussein (Tony Rezko, actuellement en jugement, avec, au dessus de sa tête, seize chefs d’accusation). Jamais le candidat d’un grand parti n’a eu, maculant son passé, une liste de parrains aussi sulfureuse. Si la campagne de McCain ne dit rien sur les membres de cette liste, le moins qu’on pourra en conclure, est qu’il aura manqué une occasion de ne pas se taire.

Après avoir fait campagne nettement à gauche pendant les primaires, Obama s’essaie aujourd’hui à un recentrage : ses déclarations d’hier peuvent, cela dit, se trouver contredites à un tel degré par celles d’aujourd’hui que, sur ce plan aussi, la campagne de McCain devrait trouver un terrain fertile.

Ce qui joue le plus nettement en défaveur de McCain est, outre son âge et la volonté de changement, un désavantage financier très net. Les moyens dont dispose et disposera Barack Obama seront trois fois supérieurs, au moins, à ceux de McCain. Il en est ainsi en raison de l’hégémonie culturelle dont je parlais un peu plus haut.

 

L'Amérique profonde décidera de l'élection
Des gens dont l’intérêt bien compris devrait être de voter McCain, non seulement voteront Obama, mais ont donné et donneront des sommes d’argent considérables à ce dernier. Tout simplement parce que leur esprit est baigné des idées qu’on appelle liberal aux Etats-Unis. Un mélange de féminisme, de multiculturalisme, d’écologisme, de tiers-mondisme, d’aspirations vagues à la justice sociale, d’aveuglement face aux dangers concrets que peuvent représenter aujourd’hui l’islamisme et le palestinisme et que représentaient autrefois le léninisme ou le maoïsme.

Des amis juifs français et israéliens m’ont dit s’interroger sur le fait que de nombreux Juifs américains votent Démocrate. C’est un point sur lequel je m’interroge moi aussi. Le vote juif se porte en direction des Démocrates depuis plusieurs décennies, et en forte proportion. C’est un fait.

 Des Républicains « réalistes » tels George Bush père et des gens de son entourage, comme James Baker ou Brent Scowcroft, ont pris des positions assez nettement anti-israéliennes, nul ne peut le nier. Les efforts de paix menés pendant des années par Clinton n’ont pas débouché sur autre chose que sur une démultiplication des attentats anti-israéliens et sur une montée en puissance d’al Qaida. George Walker Bush a, sans doute, été le président le plus favorable à Israël que les Etats-Unis aient connu, et cela a joué un rôle dans la diabolisation internationale dont il fait l’objet. Alors ? Je ne suis pas en mesure de sortir de mon chapeau une explication pleinement rationnelle à ce phénomène.

Ce que je puis dire est qu’une élection de McCain porterait à la Maison Blanche un homme lucide sur la situation d’ensemble du Proche-Orient, un véritable ami d’Israël, à même de comprendre les multiples périls auxquels Israël est confronté. Le seul démocrate qui soit porteur d’une lucidité équivalente, Joe Lieberman, apporte d’ailleurs son soutien à McCain.

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Ce que je peux dire aussi est qu’une élection d’Obama apporterait une période de troubles et de perturbations sans doute préoccupante. Economiquement, la tentation protectionniste donnerait de la voix, et les effets des hausses d’impôts prévues seraient très mauvais pour la croissance américaine et, donc, pour la croissance mondiale.

 Géopolitiquement, l’inexpérience d’Obama, sa propension à choisir systématiquement l’apaisement, provoqueront sans doute une recrudescence des activités terroristes et de l’islamisme, ainsi que du tissage de liens entre les nouveaux régimes autocratiques, qui, sans être islamistes, tirent profit des tensions créées par l’islamisme : la Russie et la Chine au premier rang.

 Les premiers à être désenchantés d’Obama seraient sans aucun doute les Américains : être mécontent de l’économie tandis qu’elle est, malgré tout, en croissance comme aujourd’hui est une chose. Etre mécontent de l’économie, lorsque la croissance s’éteint en est une autre. Le désenchantement ne tarderait pas à gagner l’Europe, où une Amérique en situation d’asthénie et de frilosité n’apparaîtrait pas porteuse d’une conjoncture excellente, et où une Amérique faible ferait prendre davantage et douloureusement conscience de dangers tel celui incarné par l’Iran.

Pour Israël (et je ne me fie pas du tout aux paroles « amicales » d’Obama, qui ne sont qu’électoralistes), ce serait une phase de tempête, mais la tempête, je pense, ne durerait pas. La présidence Carter a duré quatre ans, et elle a été rude pour les amis de la liberté. Une présidence

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Obama serait vraisemblablement une seconde présidence Carter, comme McCain l’a dit très justement. Elle serait très dure, mais, si je n’imagine même pas l’élection d’Obama, j’imagine encore moins qu’une présidence Obama puisse durer, si, par malheur elle survenait, davantage que quatre longues et douloureuses années.

En prévision, et parce qu’on ne sait jamais rien mieux que sur place, je me trouve en voyage d’observation aux Etats-Unis. George Bush est encore à la Maison Blanche. J’en profite, et j’ai hâte de me replonger dans ces contrées que d’autres survolent mais où j’aime rouler, vers l’infini et le grand ciel, sur des milliers de miles, là où les journalistes européens ne vont jamais et où, pour cette raison même, je me plais à séjourner.


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